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ABA. ABA.

ABAISSER. verb. actif. Faire descendre en bas. ou diminuer de la hauteur. Abaisser les voiles, Abaisser les fumées du vin. Abaisser ce mur. Abaisser ce luth d’un ton, d’un demi-ton. Abaisser la voix. Selon Nicod. ce mot vient du Grec basis, comme qui diroit , mettre la base.

Abaisser, veut dire quelquefois s’affaisser. La terre s’est abaissée : ou decroître, la riviere s’abaisse ; le vent s’est abaissé.

Abaisser, signifie aussi, Diminuer le prix. Le bon ordre de la police a fait abaisser le prix du blé ; c’est-à-dire, qu’il est diminué. Ce mot en ce sens n’est pas du bel usage ; il faut dire rabaisser. Voyez Rabaisser.

On s’en sert figurément dans le même sens. L’envie abaisse par ses discours les vertus qu’elle ne peut imiter. On. M. Abaisser la Majesté du Prince. L’usage, comme la fortune, chacun dans leur jurisdiction, éleve ou abaisse qui bon lui semble. Vau. Les grands noms abaissent, au lieu d’élever, ceux qui ne savent pas les soutenir. Roch.

Abaisser, signifie aussi en morale, Ravaler l’orgueil de quelqu’un, le mortifier. Les Romains se vantoient d’abaisser les superbes, & de pardonner aux humbles. On. M. Abaisser l’orgueil de Carthage. Vau. Il faut abaisser les esprits hautains. On. M. La crainte trouble & abaisse l’esprit. Mle. Sc. c’est-à-dire, qu’elle le relâche & l’avilit.

En termes de fauconnerie on dit, Abaisser l’oiseau, lors qu’ayant trop d’embonpoint, on lui ôte quelque chose de son pât ordinaire, pour le mettre en état de bien voler.

Abaisser, en termes de Jardinage, signifie Couper une branche près du tronc.

Abaisser, se dit aussi avec le pronom personnel, & signifie alors s’Humilier, se soumettre, se ravaler. Il faut s' abaisser devant la Majesté divine. S' abaisser à des choses indignes. S’abaisser jusqu’aux plus lâches complaisances. L’humilité n’est souvent qu’un artifice de l’orgueil, qui ne s’abaisse que pour s’élever. Roch. On le dit encore par respect d’une personne éminente en dignité, lorsqu’elle semble rabatre de sa grandeur, en descendant jusqu’à des personnes fort inferieures. Le Prince s’est abaissé jusqu’à moi, en prenant soin de ma fortune. P. de Cl. Il signifie aussi la complaisance, ou l’adresse par laquelle on se conforme, & on se proportionne à la comprehension foible & bornée de ceux à qui on parle. Un Predicateur habile sçait s’abaisser à la portée de ses auditeurs. C’est quelquefois un artifice de l’orgueil de s’abaisser avec excès, pour s’attirer des loüanges. Mle. Sc. Pline dit en parlant de la bonté de Trajan, qu’il se familiarisoit avec ceux qui l’approchoient : Celui qui tient la première place n’a qu’une voie pour s’élever, c’est de s’abaisser lui-même ; parce que les Grands n’ont rien moins à craindre que de se ravaler en s’abaissant de la sorte. Bou.

Abaissé, ée, participe passif. & adjectif.

Abaissé, en termes de Blason, se dit du vol des aigles, & du vol en general des oiseaux, dont la représentation ordinaire est d’être ouvert & étendu, en sorte que le bout de leurs ailes tende vers les angles ou le chef de l’Ecu. Mais lors que ce bout est en bas, & vers la pointe de l’Ecu, ou que les ailes sont pliées, on l’appelle Vol abaissé.

On dit aussi, un chevron, un pal abaissé, une bande abaissée, quand la pointe finit au cœur de l’Ecu, ou au dessous, & ne monte pas plus haut. On dit aussi qu’une pièce est abaissée, lors qu’elle est au-dessous de sa situation ordinaire, comme le chef, la fasce, &c. Et ainsi les Commandeurs de Malte qui ont des chefs dans leurs


Armoiries, sont obligés de les abaisser sous celui de la Religion.

ABAISSEUR. adj. m. est un épithète que les Medecins donnent au second muscle des yeux, qui les fait mouvoir en bas.

ABALOURDIR. Vieux mot, & hors d’usage, qui signifioit autrefois, Abrutir, rendre stupide. Il se trouve dans plusieurs Coutumes.

ABANDON, s. m. Mépris, délaissement de quelque chose. Il n’est point du bel usage. On ne le trouve guère que dans Moliere, lequel dit, en parlant des coquettes qui renoncent par nécessité au monde qui les quite :

Dans un tel abandon leur sombre inquietude.
Ne voit d’autre recours que le métier de Prude.

Il n’est supportable en ce sens qu’en termes de pratique. Le debiteur a fait l’abandon de tout son bien à ses creanciers. Abandonnement vaut mieux.

Les Mystiques ont nommé abandon, la sainte indifférence d’une ame désintéressée, qui s’abandonne totalement & sans réserve à Dieu. Cet abandon n’est que l’abnegation ou renoncement de soi-même Fen.

Abandon, se dit d’ordinaire adverbialement. Il a laissé sa maison à l’abandon, au pillage. On a degarni la frontière, on l’a laissée à l’abandon. On s’en sert peu, excepté dans le discours familier : mais il n’est pas assez noble pour le style élevé. Du Cange dérive ce mot de abandum & abandonum, qui se trouvent en plusieurs endroits de la basse Latinité, disant que bandum se prenoit souvent pour arbitrium, pro re de relictâ ad arbitrium primi occupantis. Pâquier le fait venir de ces trois mots à ban donner ; c’est-à-dire, exposer une chose à la discrétion du public, & la laisser à quiconque voudra s’en emparer.

Abandon, signifie aussi, Debauche, licence qu’on se donne de tout faire. Cet homme a vécu toute sa vie dans un abandon à toutes sortes de vices.

ABANDONNEMENT, s. m. Délaissement, cession de biens, de terres, &c. L’heritier beneficiaire est déchargé envers les créanciers par l’abandonnement des biens de la succession. G. G. Il signifie encore l’état d’une personne dont le monde s’éloigne. Dans la désertion, & l’abandonnement general de ses amis, il se livre tout entier aux chagrins & aux reflexions de la solitude. Of. M.

Il signifie, Débauche, prostitution, quand il est mis sans regime. Le pecheur est dans un grand abandonnement, lors qu’il ne sent plus de remords.

ABANDONNER, verb. act. Laisser à l’abandon. Dieu n’abandonne jamais les siens au besoin. On a abandonne cette ville au pillage. Il a abandonne le soin de son honneur. Dans les plaisirs on abandonne son cœur & son esprit, on se decouvre tout entier. P. de Cl. c’est-à-dire, qu’on s’y montre avec moins de precaution, & c’est là qu’on connoît les mœurs & les inclinations des gens. Le merite ne sert de rien quand il est abandonne de la fortune. B. Rab.

Il signifie encore livrer en proye. La ville fut abandonnée à la fureur du soldat. Elle n’ose abandonner son cœur à l’amour. Mle. Scu. On l’employe pour exprimer un homme qui est entraîné par ses passions, qui en est devenu l’esclave, qui s’y prostituë absolument. À la honte de nôtre raison & de nos reflexions, nous abandonnons nôtre cœur à la seduction du monde. Le P. Gail. Alors on l’employe plus souvent avec le pronom personnel. Quand les gens austères viennent à goûter les voluptez, alors la nature lasse des peines, s’abandonne aux premiers plaisirs qu’elle rencontre. S. Ev. Il s’abandonna à la tristesse & à son desespoir. Il s’est abandonné à la colere & à ses desirs. On dit aussi s’abandonner à la fortune, pour dire se confier à la fortu-


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