Page:Furetiere - Dictionnaire, 1690, T01, A-C.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ABB. ABB. ABC.

Abbaye, se prend quelquefois pour un composé des Religieux & de l’Abbé. Voilà une Abbaye bien reglée, où l’Abbé vit comme un simple Moine.

Abbaye. s. f. Monastere, ou Maison de Religieux ou de Religieuses, regie par un Abbé ou Abbesse. Les Abbayes sont d’ancienne fondation, comme les Abbayes de Cluny, de St. Denis, de Ste. Geneviefve, &c. Il y a des Abbayes en commende ; d’autres Abbayes Regulieres ou en Regle ; d’autres qui sont secularisées, possedées par des Chanoines seculiers. Les Abbayes sont des Benefices consistoriaux ; il n’y a que le Roy qui y nomme.

Abbaye, se prend quelquefois simplement pour la Maison & le Couvent. Voilà une Abbaye bien bastie, une Abbaye qui tombe en ruine.

Abbaye, se prend aussi pour le seul revenu dont jouïssent les Abbez. Il a obtenu pour son fils une Abbaye de dix mille livres de rente.

On dit proverbialement, Pour un Moine l’Abbaye ne faut pas, pour dire, que faute d’une personne on ne laisse pas dans une assemblée de travailler ou de se resjouïr.

ABBECHER. v. act. Donner la bechée à un oiseau qui n’a pas encore l’adresse de la prendre de luy-même. Ce mot vient de a & de bec, c’est à dire, mettre au bec. Nicod.

En Fauconnerie on dit Abbecher l’oiseau, pour dire, luy donner une partie du past ordinaire pour le tenir en appetit, dans le dessein de le faire voler un peu aprés.

ABBE’E. s. f. Ouverture par où on laisse couler l’eau d’un ruisseau, ou d’une riviere pour faire moudre un moulin, & qui se peut fermer avec des palles ou lançoirs. Il en est fait mention dans la Coûtume de Loris, chap. 10. Ce mot peut venir de baye ou ouverture.

ABBOY. s. m. On disoit autrefois abay. Le cri, ou le japper d’un chien. Ce mot est factice, & formé sur le son des chiens, qui crient, ou abboyent. L’abboy des chiens fait connoistre le lieu où est le gibier. L’abboy des mastins est leur cri, quand ils sentent le loup, ou quelque chose d’estrange autour de la maison.

Abboy, se dit aussi de l’extremité où est reduit le cerf sur ses fins : car alors on dit qu’il est aux abboys, qu’il ne peut plus courir, qu’il manque de force & de courage.

Abboys, se dit figurément de l’homme, & signifie l’agonie. Il est reduit aux abboys de la mort, ou simplement, aux abboys : c’est à dire, il se meurt. On dit aussi, qu’un procés est aux abboys, quand il est presque jugé, ou perdu ; qu’une pudeur est aux abboys, qu’une fidelité est aux abboys, lors qu’elle est presque vaincuë, qu’elle ne se peut plus deffendre. On dit aussi, Tenir quelqu’un en abboy, pour dire, l’amuser de vaines esperances & promesses.

Abboyer, ou abbayer. v. n. qui se dit pour exprimer le cri des chiens. Les chiens abboyent quand ils sentent des larrons. Ce mot vient du Latin adbaubare, Menage : ou de boare Latin, qui vient de boan Grec : ou est un mot factice qui imite le son que fait le chien en abboyant. Nicod.

Abboyer, se dit figurément des hommes, lors qu’ils s’attendent à quelque chose, qu’ils la desirent & poursuivent avec avidité. Cet homme abboye aprés cette succession, cette charge. ce chicaneur abboye toûjours aprés le bien d’autruy.

On le dit encore de ceux qui font crier aprés eux. Cet homme est si méchant, si endebté, que tout le monde abboye aprés luy. Un Satyrique abboye, crie aprés les vices.

Je tiens qu’originairement abboyer & abbayer sont deux mots differents, & qu’abboyer s’est dit seulement au propre du cri des chiens, ou de ce qui luy ressemble ; & qu’abbayer s’est dit au second sens figuré, & est composé de bayer, ou beer qui signifie regarder attentivement,


ou attendre impatiemment, ce qu’on fait ordinairement avec une bouche beante ; mais que par abus l’affinité de ces mots les a fait confondre, & prendre l’un pour l’autre.

On dit proverbialement, Abboyer à la lune, pour dire, Crier & pester inutilement contre un plus puissant que soy. On dit aussi, Tout chien qui abboye ne mord pas, pour dire, que ceux qui menacent, souvent ne font pas grand mal.

ABBOYEUR. s. m. Qui abboye. Un chien qui est grand abboyeur est fort importun. On appelle abboyeurs, une sorte de chiens pour le sanglier qui abboyent devant luy sans l’approcher.

ABBREVIATEUR. s. m. Celuy qui abrege un livre. Mr. de Sponde Evêque de Pamiers est l’abbreviateur de Baronius. Mr. Bernier a rendu un grand service au public pour avoir été abbreviateur de Gassendi. Les abbreviateurs sont cause qu’on se peut passer des originaux.

Abbreviateur est aussi un terme de banque. C’est un Officier du second banc de la Chancellerie Romaine, qui dresse la minute des Bulles, & des signatures qui s’écrivent avec plusieurs mots abregez.

Abbreviation. s. f. Ecriture en abregé, qui se fait avec plusieurs titres & caracteres qui suppleent les lettres qu’on obmet, & qu’il faut deviner, quand on veut écrire plusieurs choses en peu d’espace, ou avec diligence. Les signatures de Cour de Rome sont pleines d’abbreviations. l’écriture Gothique étoit incommode à cause de ses abbreviations. Tous ces mots viennent du Latin brevis, qui vient de brachys Grec.

ABBREUVER. v. act. Donner à boire aux chevaux, & au bestail. On abbreuve les chevaux deux fois par jour.

Abbreuver, sign. aussi, Humecter, & imbiber d’eau. Il faut abbreuver ces tonneaux, cette cuve, avant que d’y mettre la vendange. Ce drap est abbreuvé d’eau. la terre est abbreuvée par les pluyes. Abbreuver les prez, c’est les arroser, y faire venir de l’eau par le moyen des saignées.

Abbreuver, signifie figurément, Persuader quelqu’un de quelque chose. Il l’a abbreuvé de cette opinion. J’en suis abbreuvé dés ma jeunesse.

Abbreuvoir. s. m. Lieu où on abbreuve les chevaux. Mener les chevaux à l’abbreuvoir. Du Cange l’appelle en Latin beuratorium.

ABBREUVOIR, en termes de maçonnerie, se dit des intervalles que les maçons laissent entre les joints des pierres pour y faire entrer du mortier.

On dit proverbialement d’une playe qui seigne beaucoup, que c’est un abbreuvoir à mouches, un abbreuvoir à taons. On dit aussi, qu’un bon cheval va bien tout seul à l’abbreuvoir, quand on se leve de table pour aller prendre soy-même à boire au buffet.

ABC.

ABÉCÉ. s. m. Alphabet, croix de par Dieu. Petit livre qui sert à apprendre à lire aux enfans. Cet enfant est encore à l’abécé.

Abécé, signifie aussi, le commencement d’une science, d’une affaire. Il croyoit faire juger son procés, mais on luy a donné un arrest qui le renvoye à l’abécé. quand on pense avoir penetré les secrets de la Nature, on se trouve encore à l’abécé. Ce mot est composé des trois premieres lettres de l’Alphabet François, comme le Grec qui luy répond des deux premieres Alpha & Bèta. Les Espagnols l’appellent Cartilla, & les Italiens Abaco, qui vient du Grec Abacos.

ABECEDAIRE. s. m. Qui est encore à l’abécé. On se moque d’un vieillard abecedaire, qui est encore à l’abécé, qui ne sçait rien. On a donné le titre d’Abece-


daire