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ABA. ABB. ABB.


a eu un grand abatis de maisons à Raguse dans le dernier tremblement de terre. il y a plusieurs abatis de pierre dans cette carriere. il fut fait un grand abatis de bois en cette forest par la tempeste.

Abatis, se dit aussi d'une grande tuerie de bestes. Ce chasseur a fait un grand abatis de gibier. ce boucher fait un grand abatis de bestiaux tous les ans. On dit aussi en cuisine, Faire des potages d’abatis d'agneau, d’abatis de poulet d'Inde, &c. pour dire, qu'on les fait avec des bouts d'aîles, foyes, & autres menües parties, & issües, ou petites oyes de ces volailles.

ABATRE. v. act. Renverser, demolir, faire tomber, coucher par terre. Il a fait abatre sa maison pour la rebâtir. il y a bien des chablis que le vent a abatus dans cette forest. on abat les noix avec la gaule. ce luitteur a abatu son homme sous luy. ce cheval est sujet à s’abatre, c'est à dire, à broncher, à tomber. On dit aussi, que le tabac abat les fumées du vin, les vapeurs. Cette maladie, ce voyage l'a bien abatu. Nicod derive ce mot de à bas, adverbe local composé de a & de bas.

{sc|Abatre}}, en termes de Marine, sign. Descheoir, deriver, s'écarter de la vraye route : ce qui se fait par la force des courans, ou des marées, ou par les erreurs du pointage ou du mauvais gouvernement du timonnier. On dit aussi, qu'un Pilote abat son vaisseau d'un quart de Rumb ou d'un autre aire de vent, quand il vire ou change sa course & gouverne sur un autre Rumb de celuy de sa route. On dit aussi, Abatre un navire, pour dire, le faire obeïr au vent lors qu'il est sur les voiles. On dit aussi, Abatre un vaisseau sur le costé, lors qu'on veut travailler à la carene, ou en quelque endroit des œuvres vives.

En termes de Fauconnerie on dit, Abatre l'oiseau, pour dire, le tenir & serrer entre deux mains pour le garnir de gets, le poivrer ou luy donner quelque medicament par force.

Abatre, se dit figurément en Morale, des troubles & des afflictions de l'ame & du corps. Ce changement de fortune luy a abatu l'esprit & le courage. il s'est laissé vaincre & abatre à la douleur.

On dit proverbialement, Petite pluye abat grand vent. On dit d'un homme qui fait bien de la besogne, & d'un Juge qui expedie plusieurs procés, qu'ils abatent bien du bois.

Abatu, üe. part. pass. & adj. Maison abatüe, courage abatu.

ABATURES. subst. fem. plur. Terme de Venerie. Foulures, menu bois, brossailles, fougere, que le cerf abat du bas de son ventre en passant. On connoist le cerf par ses abatures.

ABAT-JOUR. s. m. Petite fenestre qui prend le jour d'enhaut, dont l'embraseure est de haut en bas, comme celle des Offices sous terre, des souspiraux des caves, ou certaines fenestres de marchands qui mesnagent un faux jour pour donner du lustre à leurs étoffes.

ABAT-VENT. s. m. est la charpente qui se met dans les ouvertures des clochers, qui est ordinairement couverte d'ardoise, qui sert à abatre le vent, & qui n'empêche pas que le son de la cloche n'agite l'air de dehors, & ne se fasse entendre au loin. Tous ces mots viennent du Grec bathys, qui sign. qui est profond, qui est bas.

ABB.

ABBÉ. s. m. ABBESSE. s. f. Superieur ou Superieure d'une ABBAYE d'hommes ou de filles. Il y a trois sortes d'Abbez : Regulier, Seculier, Commendataire. L'Abbé differe du Prieur, en ce qu'il est mis au rang des Prelats, & officie pontificalement & avec des marques de dignité qui luy ont été accordées par les Papes au temps de la fondation du Monastere, ou par quelque privilege particulier, comme la mitre, la crosse. Ce mot vient de ce que les premiers Moines appelle-


rent leur Superieur Ab-bot, qui en Langue Syriaque signifie Pere. Ainsi ces mots de Abba Pater, qu'on trouve dans les Epistres aux Romains & aux Galates, & ailleurs, qui semblent dire la même chose, ne font pas pourtant un pleonasme, comme dit St. Augustin, veu que l'un est un nom de nature, & l'autre de dignité. D'autres disent qu'il vient du mot Hebreu Aba, qui signifie aimer, vouloir du bien. Covarruvias. Dans la primitive Eglise on appelloit Cænobiarcha le Superieur d'un Monastere où les Religieux vivoient en commun ; & Archimandrita, celuy qui estoit reconnu pour Chef par des Hermites qui vivoient dans les deserts & dans les cavernes, à cause que le mot de mandra en Grec signifie caverne : tels estoient les premiers Peres de la Thebaïde.

Chez les Ecrivains Grecs & Latins on appelloit Abbez, ceux que nous appellons maintenant Peres, qui étoient venerables par leur âge & par leur sainteté. On a aussi compris sous ce nom generalement tous les Moines. Ainsi il est dit dans la Regle de St. Colomban, qu'il y avoit mille Abbez sous un Chef : & St. Epiphane fait mention d'un Monastere où il y avoit mille Abbez & mille cellules. On a appellé aussi Abbé second, le Prieur d'un Monastere, qui est le Lieutenant de l’Abbé. On a appellé aussi en Sicile des Evêques Abbez ; & tres-souvent les Curez primitifs de France. On a appellé aussi, Abbé du Palais, le Maistre de la Chapelle du Roy. Voyez Du Cange. Les Abbez mitrez sont ceux qui ont droit de porter les ornemens Episcopaux, comme la mitre, les sandales, les gants, l'anneau & la crosse : & pour les distinguer des Evêques, Clement IV. ordonna que les Abbez exempts porteroient des mitres brodées, mais sans pierreries & sans lames d'or & d'argent ; & les non-exempts des mitres blanches & toutes unies.

Abbé, s'est dit aussi de quelques Magistrats ou personnes laïques & seculieres. Chez les Gennois il y avoit un principal Magistrat qu'on appelloit Abbé du Peuple. En France il y a eu plusieurs Seigneurs, sur tout du temps de Charlemagne, à qui on donnoit le soin & la garde des Abbayes, qu'on appelloit Abbacomites.

Dans les anciens titres on trouve que les Ducs & les Comtes ont été appellez Abbez, & les Duchez & Comtez Abbayes. Et plusieurs Seigneurs & Gentilshommes qui n'étoient aucunement Religieux ont aussi pris ce nom, comme remarque Menage aprés Fauchet, & autres.

On appelle aussi Abbé, celuy qu'on élit en certaines Confrairies & Communautez, particulierement entre les Ecoliers & les Garçons Chirurgiens, pour commander aux autres pendant un certain temps. A Milan dans toutes les Communautez de marchands & d'artisans, il y en a de preposez qu'on appelle Abbez. Et c'est de là apparemment qu'est venu le jeu de l’Abbé, dont la regle est, que quand le premier a fait quelque chose, il faut que tous ceux qui le suivent fassent le semblable.

Abbé, se dit proverbialement en ces phrases. On vous attendra comme les Moines font l’Abbé, c'est à dire, en travaillant toûjours, en commençant toûjours à disner. On dit encore, Pour un Moine on ne laisse pas de faire un Abbé, pour dire, que l'opposition d'un particulier n'empêche pas la deliberation d'une Compagnie, ou la conclusion d'une affaire. On dit en proverbe Espagnol, Como canta el {{sc[Abad}} responde el Monazillo, pour dire, que les inferieurs tiennent le même langage, ou sont de même avis que les superieurs. On appelle aussi, Abbez de Ste. Esperance, ceux qui prennent la qualité d’Abbez sans avoir d'Abbaye, & quelquefois même de Benefice.

Abbatial, ale. adj. Qui appartient à l'Abbé. Logis abbatial. Dignité abbatiale. Mense abbatiale. Messes abbatiales : ce sont celles que les Abbez doivent celebrer.


A 2 Abbaye