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tres. Il n’y eut point de portrait, ny de monstre, ny de bracelet de cheveux qui fust pris ou égaré, ou qui eust passé en d’autres mains, point d’absence ny de fausse nouvelle de mort ou de changement d’amour, point de rivale jalouse qui fist faire quelque fausse vision ou équivoque, qui sont toutes les choses necessaires et les matériaux les plus communs pour bastir des intrigues de romans, inventions qu’on a mises en tant de formes et qu’on a repetassées si souvent qu’elles sont toutes usées.

Je ne puis donc raconter autre chose de cette histoire ; car toutes les particularitez que j’en pourrois sçavoir, si j’en estois curieux, ce seroit d’apprendre combien un tel jour on a mangé de dindons à Saint-Cloud chez la Durier23, combien de plats de petits pois ou de fraises on a consommés au logis de petit Maure à Vaugirard, parce qu’on pourroit encore trouver les parties de ces collations chez les hostes où elles ont esté faites, quoy qu’elles ayent esté acquitées peu de tems apres par le marquis, qui payoit si bien que cela faisoit tort à la


23. C’étoit, sous Louis XIII, la plus fameuse cabaretière des environs de Paris. On trouve dans Tallemant (édit. in-12, t. 9, p. 223–226) une longue et curieuse historiette sur elle, sur son vaste cabaret de Saint-CIoud, sur les longs crédits qu’elle faisoit à la noblesse, etc. Il y est aussi parlé de ses amours avec Saint-Preuil, et de la belle conduite qu’elle tint quand, aux instigations du duc de la Meilleraye, ce gouverneur d’Arras fut jugé et décapité à Amiens. « Elle reçut sa tête dans un tablier, dit Tallemant, et lui fit faire un magnifique service à ses dépens. » Dans les notes curieuses qu’il a données sur ce passage des Historiettes, M. Monmerqué omet de dire qu’en décembre 1803, lors des fouilles