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s’avisa d’une ruse pour les voir : il feignit qu’il avoit une excellente garenne à la campagne, d’où on luy envoyoit souvent des lapins. Il dit à Vollichon qu’il luy en envoyeroit deux, et qu’il les iroit manger avec luy, dans la pensée qu’il verroit, pour le moins pendant le disner, sa femme et sa fille. Il en fit donc acheter deux à la Vallée de misere ; mais ce fut de l’argent perdu, non pas à cause que c’estoient des lapins de clapié (car le procureur ne les trouva encore que trop bons), mais parce que cela ne lui donna point occasion de voir sa maistresse, qui, ce jour-là, ne disna point à la grande


eu du courage, et en réalité n’être pas plus franc que ne l’avoit été Furetière avec son pseudonyme de Vollichon. Le plus comique de l’affaire, c’est que, selon Brossette, il se trouva en effet dans le Blaisois « un hôtelier de même nom, qui fit faire à Boileau de grandes plaintes. À Rouen, dit encore Brossette, dans une 1re édition qui fut faite sans la participation de l’auteur, on avoit mis un autre nom que celui de Rolet », ce qui nous étonne beaucoup, d’autant plus qu’à cette époque, dans cette même ville de Rouen, on jouoit une comédie en un acte, en vers, le Moulin de Bouille (Rouen, J.-B. Besongne, pet. in-12), dans laquelle Rolet étoit franchement nommé et mis en scène. — Furetière, dans son libelle allégorique, les Couches de l’Académie, fit encore, preuve qu’il le connoissoit bien, allusion à Rolet, comme au plus grand chicaneur du Palais. Il dit que la déesse Justice avoit, dans une écurie qu’on nomme Chicane, six harpies qu’on atteloit à son char, et à l’une d’elles, la première, la plus fameuse, il donne le nom de Rolette. Le patibulaire procureur finit mieux qu’il ne méritoit. On le déchargea de la peine du bannissement, à laquelle l’avoit condamné l’arrêt de 1681 ; il obtint une place de garde au château de Vincennes, et il y mourut.