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toient le chapperon, qui estoit la vraye marque et le caractere de bourgeoisie, mais qu’elles ont tellement rogné petit à petit, qu’il s’est evanoüy tout à fait. Il n’est pas besoin de dire qu’il y venoit aussi des muguets et des galans, car la consequence en est assez naturelle : chacune avoit sa suite plus ou moins nombreuse, selon que sa beauté ou son bonheur les y attiroit.

Cette assemblée fut bien plus grande que de coustume un jour d’une grande feste qu’on y solemnisoit. Outre qu’on s’y empressoit par devotion, les amoureux de la symphonie y estoient aussi attirez par un concert de vingt-quatre violons de la grande bande ; d’autres y couroient pour entendre un predicateur poly2. C’estoit un jeune abbé sans abbaye, c’est à dire un tonsuré de bonne famille, où l’un des enfans est tousjours abbé de son nom. Il avoit un surpelis ou rochet bordé de dentele, bien plicé et bien empesé ; il avoit la barbe bien retroussée, ses cheveux estoient fort frisez, afin quïls parussent plus courts, et il affectoit de parler


à fleur de corde, ou qu’elle a frisé la corde, pour dire que peu s’en est fallu qu’elle n’ait été dehors. » (Dictionn. de Furetière.)

2. C’est certainement de l’abbé Cotin ou de l’abbé Cassaigne qu’il est question. On sait, en effet, que Furetière partageoit la belle haine de Boileau contre ces prédicateurs à la mode ; il paroît même, par une note de Brossette sur le vers 60 de la 3e satire, que c’est lui qui les avoit recommandés au satirique : « Ce fut l’abbé Furetière qui indiqua à notre auteur les deux mauvais prédicateurs qui sont ici nommés, l’abbé Cassaigne et l’abbé Cotin, tous deux de l’Académie françoise. »