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mere dans son party, qui estoit encore une insigne charlatane, et fameuse par ses intrigues et par ses affiches95. Sa hablerie, plustot que sa science, lui avoit acquis quelque reputation à faire des cures de certaines maladies du scroton. Elle pensoit, ou plustot elle abusoit comme les autres, le fils d’un conseiller du Parlement, qui, sur sa fausse reputation, s’estoit mis entre ses mains. Ce conseiller estoit en tres-grande estime dans le palais, et n’avoit autre foiblesse que de deferer trop legerement aux prieres de ses enfans, dont il estoit infatué. La vieille donc pria cette veuve, la veuve pria sa mere, la mere pria son malade, le malade pria son pere ; et par surprise, à leur relation, il signa un certificat en faveur de Belastre, sans l’examiner, par lequel il attestoit qu’il estoit noble et de bonne vie et mœurs ; mesme il y avoit un article faisant mention de sa capacité. Apres celuy-là, elle en fit signer plusieurs


Ah ! que nous allons loin d’Issy,
De Vaugirard et de Passy !....
Defita s’y prend comme il faut ;
Bourgeois, voilà ce que vous vaut,
Un magistrat de cette sorte
Et qui n’y va pas de main morte....
Faisons le triage, et comptons
Combien sont nos brebis galeuses :
Les listes sont assez nombreuses
Pour les envoyer en troupeau

Paître dans le monde nouveau.

95. Locke, dans le Journal du voyage qu’il fit en France vers cette époque, parle, comme l’ayant vue, d’une affiche à peu près pareille à celle-ci. C’est au duc de Bouillon que le privilége du remède qu’elle annonçoit, « un sachet… sans mercure », avoit été accordé, le 17 septembre 1667. (Extrait du Journal de Locke, Rev. de Paris, t. 14, p. 79.)