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luy persuaderent que les pecheurs venoient la nuit tirer du poil de sa queuë pour faire leurs lignes. Il gagea un jour que la Samaritaine estoit de Paris, et se mocqua d’un bachelier qui luy vouloit prouver le contraire par la Bible. Ayant oüy parler un jour de l’estoile poussiniere90, il demanda combien de fois l’année elle avoit des poussins. Une autrefois, un Jacobin luy ayant parlé de la sainte Inquisition, il l’alla retrouver le lendemain, pour luy dire que c’estoit un grand abus de la croire sainte ; qu’il n’avoit point trouvé sa feste dans l’almanac, ny sa vie dans la Fleur des Saints91. Comme il se promenoit un jour dans les Thuilleries, quelqu’un s’estonnant de la cause qui avoit peû faire ainsi nommer ce jardin, il répondit qu’il y avoit eu autrefois un roy de France qui s’appelloit Thuille, qui lui avoit donné son nom. C’estoit sçavoir l’histoire de son pays merveilleusement. Je ne sçay s’il n’avoit point autant de raison que cet autre etimologiste, qui vouloit que la salade eust esté inventée par Saladin, à cause de la ressemblance du nom. À propos de princes, quand il vouloit parler de ceux des Vénitiens et des Persans, il avoit coustume de dire le dogue de Venise et le saphir de


90. On nommoit encore ainsi au XVIIe siècle l’étoile qui se trouve au centre de la constellation des pléiades. Ainsi placée au milieu de ces six étoiles, elle semble une poule poussinière au milieu de ses petits ; de là son nom, qui se lit aussi dans Rabelais (liv. 1, chap. 53 ; liv. 4, chap. 43) et dans Regnier (sat. 6, v. 219).

91. Fleurs des vies des saints, traduites du Flos sanctorum du P. Ribadeneyra par les PP. Gaultier et Bonnet, Paris, 1641, 2 vol. in-fol. C’est le même livre dont parle la Dorine du Tartuffe (acte 1, sc. 3).