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aussi bien instruits que luy. Le pis est encore que les avis qu’il demande ne peuveut servir de rien : car, s’il parle à des ignorans, ils ne peuvent donner aucune resolution qui soit pertinente ; et si c’est à des sçavans, ils veulent voir les pieces et les procedures pour faire une bonne et seure consultation. Cependant ce ne sont pas seulement les plaideurs qui ont cette manie ; tous ceux qui frequentent avec eux en sont encore entachez, et ne peuvent se deffendre de tomber en mesme faute. J’en fis ces derniers jours une assez plaisante experience, dont je vous veux reciter briefvement l’avanture.

Un homme de robbe, m’ayant témoigné qu’il vouloit lier une estroite amitié avec moy, m’avoit invité puissamment de l’aller voir. Je luy fis ma premiere visite un dimanche, sur les dix heures du matin. Si-tost qu’il sceut ma venuë, il me fit prier de l’attendre dans une salle, tandis qu’il recevoit dans une autre la sollicitation d’un de ses amis de qualité. Apres une heure entiere il me vint faire un accueil tres-civil, et, pour premier compliment, il me témoigna le déplaisir qu’il avoit de m’avoir tant fait attendre. Il me dit pour s’excuser qu’il estoit engagé avec une personne de condition, qui luy venoit recommander une affaire qui estoit de grande discussion, et où il y avoit les plus belles questions du monde, et là dessus il commença à m’en deduire le fait et à m’en expliquer toutes les circonstances avec les mesmes particularitez qu’il venoit d’apprendre de la partie. Ce recit dura une autre heure, au bout de laquelle midy sonna, et comme il n’avoit pas esté à la messe, il nous fallut separer brusquement sans autre entretien. Je vous laisse à penser quel fruit et quelle satisfaction nous avons receu l’un et l’autre