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uns aux autres. Ils font facilement connoissance ensemble, et ne manquent point de matiere pour fournir à la conversation.

Collantine (c’estoit le nom de la demoiselle chicaneuse) d’abord luy demanda à qui il en vouloit ; Charroselles la satisfit aussi-tost, et luy deduisit au long son procès. Quand il eut flny, pour luy rendre la pareille, il luy demanda qui estoit sa partie. Ma partie (dit-elle, faisant un grand cry), vrayement j’en ai un bon nombre. Comment (reprit-il) ! plaidez-vous contre une communauté, ou contre plusieurs personnes interessées en une mesme affaire ? Nenny dea (repliqua Collantine) ; c’est que j’ay toutes sortes de procès, et contre toutes sortes de personnes. Il est vray que celuy pour qui je viens maintenant icy contient une belle question de droit, et qui merite bien d’estre escoutée. Je n’ai acheté ce procès que cent escus, et si j’en ai des-ja retiré près de mille francs. Ces dernieres paroles furent entendues par un gentil-homme gascon, qui se trouva aussi dans le greffe. Il lui dit avec un grand jurement : Comment, vous donnez cent escus pour un procès ! j’en


en effet, selon Tallemant, Sorel avoit satirisé, sous le nom d’Hortensius, Balzac, qui étoit d’humeur assez vindicative pour chercher, comme il est dit ici, à arrêter le débit du livre (Historiettes, in-8º, t. 3, p. 155). D’un autre côté, le Berger extravagant, cette grande parodie des romans à la mode, où Sorel se moque à chaque ligne de l’Endymion de Gombauld ; du Polexandre, de la Caritie, de l’Alcidiane, de la Cythérée de Gomberville ; de la Cassandre, de la Calprenede ; du Cyrus et de la Clélie, mais surtout de l’Astrée, avoit pu lui attirer aussi, de la part des auteurs, tous très puissants, les représailles judiciaires dont il est ici question.