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Quant à l’allusion reconnue aux amours de Fouquet, ce n’est rien qu’un épisode pour ainsi dire hors d’œuvre que Furetière a joint à son récit afin d’amorcer la curiosité par le scandale. C’est ce sentiment de haine pour le bourgeois, pour le pédant, qui apparente Furetière aux écrivains les plus marquants de cette période de 1650 à 1680, qu’on est convenu d’appeler le siècle de Louis XIV. Cette conformité de tendance, dont on a eu soin de relever dans les notes toutes les preuves, justifie la liaison de Furetière avec Boileau et Racine, liaison attestée d’ailleurs par leur correspondance, par les mémoires de Racine le fils et par les anecdotes de Ménage ; elle assigne une date au livre et lui donne l’importance d’un document historique. On voit alors la littérature sous toutes ses formes attaquer la bourgeoisie, devenue puissance, et continuer ainsi le rôle d’opposition que la poésie populaire avoit rempli pendant tout le moyen âge contre la puissance dominante à cette époque, la puissance sacerdotale.

Jamais la bourgeoisie, ses mœurs et ses habitudes, n’avoient été jusque alors l’objet d’une analyse aussi studieuse, aussi détaillée, que celle que leur consacre Furetière dans son roman. La maison du procureur, son intérieur, son mobilier, son jargon, ses plaisirs, le caquet de sa femme, et jusqu’au menu de ses repas et de ses festins, y sont pour la première fois décrits avec la fidélité et la minutie d’un procès-verbal ; les personnages s’y montrent non pas tels qu’il a plu au romancier de les faire, mais tels qu’ils ont dû être rigoureusement par rapport à leur époque et à leur fonction, et l’on sent parfaitement, à la façon dont ils se conduisent, que l’auteur se préoccupe bien moins de leur faire jouer