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grand nombre de badauts de le voir danser sur la corde, car ils ne se doutoient nullement qu’il eust appris ce mestier durant qu’il estoit homme, amoureux et violon.

L’Amour, après ce beau coup, ne crut pas qu’il fust seur pour lui de demeurer chez sa maistresse ; c’est pourquoy il quitta encor celle-cy sans luy dire adieu, et il ne fut pas longtemps sans trouver condition. Poléone trouva que c’estoit son fait, en consideration particulierement de ce qu’il avoit un habit neuf et qu’il ne luy falloit rien dépenser de longtemps pour l’ajuster. Il la servit volontiers, quoy que ce ne fust qu’une marchande, parce qu’il luy vit une mine fort bourgeoise et fort éloignée de cette coquetterie de laquelle il avoit esté auparavant si fatigué. L’exquise beauté de cette femme reparoit le deffaut de cet air un peu niais qu’elle faisoit paroistre, et couvroit cette grande ignorance qu’elle avoit en toutes choses, hormis en l’art de sçavoir priser et vendre sa marchandise. L’Amour mesme oublia pendant quelque temps qu’il avoit esté page et laquais, et, empruntant un peu de l’humeur du courtaud, vescut en assez honneste garçon. Mais un peu apres, il mit la main aux armes dont il se sçait si bien


sement analysée par M. Ch. Magnin dans son Histoire des marionnettes, p. 136–137, se trouve la description complète du fameux singe, avec son costume : « Il étoit grand comme un petit homme et bouffon en diable ; son maître l’avoit coiffé d’un vieux vigogne dont un plumet cachoit les fissures et la colle ; il luy avoit ceint le cou d’une fraise à la scaramouche ; il luy faisoit porter un pourpoint à six basques mouvantes, garni de passement et d’aiguillettes, vêtement qui sentoit le Iaquéisme ; il luy avoit concédé un baudrier d’où pendoit une lame sans pointe. »