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(adjousta Charroselles), car il faut un grand effort d’esprit, ou plustost un grand effort de patience, pour y reussir. Encore y a-t’il peu de gens qui fassent profession d’en faire, et de plus, pour un bon qu’ils feront, il y en aura cent de mauvais. J’en ay veu tant de meschans (adjousta Pancrace) que je suis persuadé que la pluspart ne valent rien, et à moins qu’une personne d’esprit m’asseure auparavant de leur bonté, je ne me sçaurois resoudre à les lire. Ce n’est pas d’aujourd’huy (adjousta Philalethe) que je sçay la difficulté qu’il y a d’en faire de bons, et j’ay veu des poëtes fameux qui avoient acquis de la gloire par de grands poëmes, dont la reputation est eschouée aupres d’un sonnet.



Boileau les abbés Cotin et Cassagne pour les vers de la 3e satire, où ils commencent à être fustigés ; peut-étre, en revanche, Boileau désigna-t-il à Furetière d’autres victimes de sa connoissance pour le Roman bourgeois. Par une singulière coïncidence, qui, toutefois, semble être moins un hasard qu’une entente satirique, les sept premières satires de Boileau parurent la même année (1666) que le Roman bourgeois, et chez le même libraire, Billaine. Deux ans auparavant, c’est chez Furetière, de l’aveu même de Boileau, que la scène du Chapelain décoiffé avoit été faite entre eux, en compagnie de Racine, contre des poètes qu’ils détestoient en commun. La Serre, que Furetière épargne si peu, étoit, on le sait, du nombre. D’après cela, on peut comprendre que Furetière fût dans la confidence des travaux de Boileau, et que, dès 1666, étant l’un des premiers initiés à ses œuvres ébauchées, il pût faire allusion déjà à l’un des plus fameux passages de l’Art poétique, bien que ce poème ne dut voir le jour qu’en 1674. Il est vrai que, dès 1669, Boileau le trouvoit assez achevé pour en faire des lectures dans le monde, notamment chez Patru.