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roselles avec un autre grand hélas !) ; mais elle ne m’a servi qu’une fois. Car il est vray qu’apres qu’on m’eut rebuté un livre entier, je le hachay en plusieurs petites pièces, episodes et fragments, et ainsi je fis presque imprimer un volume de moy seul, quoy que sous le titre de Recueil de pièces de divers autheurs39. Mais malheureusement le libraire descouvrit la chose, et me fit des reproches de ce qu’il ne le pouvoit débiter. Cela m’estonne (dit alors Philalethe), car les receuils se vendoient bien autrefois40 ; il est vray qu’ils sont maintenant un peu descriez, et ils ont en cela je ne sçay quoy de commun avec le vin, qui ne vaut plus rien quand il est au dessous de la barre, quoy qu’il fust excellent quand il estoit frais percé. À propos (reprit Hyppolite), ne trouvez-vous pas que ces recueils fournissent une occasion de se faire connoistre bien facilement et à peu de


39. Il est parlé ici du nouveau Recueil de pièces les plus agréables de ce temps, en suite des jeux de l’inconnu (Paris, 1644, in-12), dont l’éditeur étoit en effet Ch. Sorel, l’original de Charroselles. Nous en reparlerons plus bas.

40. Ils eurent, en effet, une grande vogue pendant tout le XVIIe siècle. Quoi qu’en dise même Furetière, qui n’avoit guère droit de décrier ce genre de publication, puisqu’il fit paroître quelques unes de ses poésies dans le Recueil de poésies diverses donné par La Fontaine (Paris, 1671, in-12), la mode des recueils étoit encore très florissante de son temps, et devoit même lui survivre. La préface du Nouveau choix de poésies donné à La Haye en 1715, in-12, prouve qu’au XVIIIe siècle elle étoit encore en pleine faveur. Une bibliographie des Recueils seroit de trop ici. Nous renverrons, pour les principaux, au Catalogue de la Bibliothèque de M. Viollet le Duc (Supplément), p. 3-4.