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allusion voilée le panégyrique de son prédécesseur12. L’abbe d’Olivet, dans le complément qu’il a donné à la galerie des portraits académiques de Pélisson, étend sur le cadre destiné à Furetière le crêpe noir des Doges décapités. Titon du Tillet, qui, dans son Parnasse françois, a consacré de si pompeuses notices à tant d’écrivains médiocres, se borne à quelques lignes et se met à l’abri derrière les on dit, sans oser remonter aux sources.

Nous avons vu déjà comment, jusqu’à nos jours, l’Académie a persisté à ne voir dans l’auteur du Dictionnaire universel qu’un misérable voleur : tant est vivace et profonde la haine des corps constitués ! L’Académie n’a jamais pardonné à Furetière d’avoir prouvé que, pour exécuter un monument de critique et de


remplacé de son vivant. Tallemant l’aîné, dans son article du Mercure, cherche à expliquer ce refus par un malentendu.

12. On essaya même de se dispenser envers lui des formalités usitées depuis la création de l’Académie pour les funérailles de ses membres. Il fallut l’autorité de la parole de Boileau pour rappeler les ennemis de Furetière à la décence et à la charité. Voici comment le fait est rapporté dans le Bolæana (p. 68) :

« À la mort de Furetière, il fut délibéré dans l’Académie si l’on feroit un service au défunt, selon l’usage pratiqué dès son établissement. M. Despréaux y alla exprès avec M. Racine le jour que la chose devoit être décidée ; mais, voyant que le gros de l’Académie prenoit parti pour la négative, lui seul osa parler ainsi à cette compagnie :

» Messieurs, il y a trois choses à considérer ici : Dieu, le public et l’Académie. À l’égard de Dieu, il vous saura sans doute très bon gré de lui sacrifier votre ressentiment et de