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Nicodeme) que je crois que vous avés noyé toutes mes fautes dans le fleuve d’oubly. Voilà bien débutté (dit Vollichon), les oublies sont chez le patissier ; et il se mit à rire à gorge desployée, comme il faisoit à tous ses méchans quolibets. Si j’ai fait icy quelque bicestre (continua Nicodeme), j’en ai payé les dommages et interests, et je suis prest de parfournir ce qui y manquera. Ce n’est pas de cela que je suis en colere (dit Madame Vollichon), mais de ce que vous estes un perdu, un vilain et un desbauché. Aussi-tost son mari adjousta, en adressant la parole à Nicodeme : Je veux envoyer un commissaire chez vous, car on dit que vous vivez mal. Nicodeme se voulut justifier et jurer qu’il n’avoit jamais fait aucun scandale, quand Laurence (voyant un souris goguenard de Vollichon) interpreta ainsi ce brocard. Je vois bien (dit-elle), à la mine de Monsieur, qu’il vous veut reprocher que vous ne faites pas bonne chère. Il ne tiendra qu’à luy (repartit Nicodeme) de faire l’experience du contraire, car je le traiteray quand il voudra de maniere qu’il en sera content. Hé bien (dit Vollichon), je vous prends au mot : j’iray demain diner chez vous et je porteray de quoy manger. Il ne sera pas nécessaire que vous apportiez de quoi manger (reprit Nicodeme) ; la ville est bonne, je ne vous laisseray pas mourir de faim. Laurence fut encore l’interprete d’un pareil souris de Vollichon, en disant : Je vois bien que Monsieur n’a pas dessein de rien porter chez vous pour augmenter la bonne chere ; mais qu’il veut dire qu’il y portera ses dents, qui sont des instruments pour manger. À la bonne heure (dit Nicodeme) je vous attendray demain, et vostre compagnie (il dit cela en monstrant Bedout, qu’il connoissoit pour l’avoir veu au Pa-