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que Laurence voulut, à quelque prix que ce fut, les faire rencontrer ensemble. Elle invita donc son cousin de venir chés elle un jour qu’elle sçavoit que madame Vollichon luy devoit venir rendre visite avec sa fille. Il y vint sans se douter de l’embuscade qui luy estoit préparée, et apres quelque temps, quand il vit entrer ces deux dames qu’il ne connoissoit point encore, il rougit, perdit contenance et à toute force voulut s’en aller. Mais Laurence le retint par le bras et luy dit : Demeurez, mon cousin : la fortune vous favorise beaucoup aujourd’huy ; voilà celle que vous devez peut-estre avoir pour femme et celle que vous aurez ainsi pour belle-mere. Cela l’embarrassa encore davantage ; il fut pourtant obligé de demeurer. Aussi-tost il fit deux reverences, l’une du pied droit et l’autre du pied gauche, à chacune la sienne, et laissa parler pour luy sa cousine, qui fit les honneurs de la maison.

Or, comme il se trouva plus près de Javotte quand ils eurent pris des sieges, ayant mis son chapeau sous son coude, et frottant ses mains l’une dans l’autre, apres un assez long silence, peut-estre afin de méditer ce qu’il devoit dire, il ouvrit ainsi la conversation : Hé bien (Mademoiselle), c’est donc vous dont on m’a parlé ? Javotte répondit avec son innocence accoustumée : Je ne sçay pas (Monsieur) si on vous a parlé de moy ; mais je sçais bien qu’on ne m’a point parlé de vous. Comment (reprit-il), est-ce qu’on pretend vous marier sans vous en rien dire ? Je ne sçais (dit-elle). Mais que diriez-vous (repartit-il) si on vous proposoit un mariage ? Je ne dirois rien (répondit Javotte). Cela me seroit bien avantageux (reprit Bedout assez haut, croyant dire un bon mot), car nos lois portent en termes formels que