Dogues à l’œil sanglant, des Mâtins à la voix rauque, des
Terriers au front bas, aux crocs nus, au regard perfide
et défiant, des Molosses à la tête
monstrueuse, aux lèvres épaisses
et pendantes, à l’air aviné. Il ne leur
manque qu’une pipe et un chapeau
mou. Tout le monde leur est suspect et ils sont redoutés de tous : ce
sont les dictateurs de la rue avec
des têtes d’accusateurs publics.
Ils lèchent les pavés ensanglantés que d’autres ont soulevés, et se tiennent dans leur loge, attentifs et menaçants, comme derrière une barricade.
Plus loin, les Chiens de chasse, un tourbillon, un éblouissement. Rien de plus animé, de plus curieux. Tous ces corps
alertes et souples vont, viennent, se croisent, se pressent, se
bousculent et se confondent en une grande nappe blanche tachetée de gris, de noir, de roux, de jaune et de feu. Toutes
ces têtes intelligentes et vives s’agitent, toutes ces oreilles se balancent
comme des éventails ; toutes ces langues sortent et palpitent ; toutes ces
pattes remuent comme des baguettes
de tambour ; toutes ces queues se
dressent au-dessus de cette masse
mouvante comme les baïonnettes
d’un régiment. Toutes ces physionomies ne respirent qu’une
passion : la chasse !
On rêve de Compiègne, de Fontainebleau, de Chantilly ; on voit défiler les piqueurs et l’on entend le bruit des fanfares.