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PORTRAITS ZOOLOGIQUES

de Roméo. Le cornac m’a introduit dans la chambre à coucher, juste au moment où ils commençaient leur toilette du matin. C’est avec une parfaite docilité et un plaisir manifeste qu’ils se laissent laver, frotter, éponger les défenses, rincer la trompe et brosser les oreilles. Juliette surtout se prête à tous ces exercices avec une coquetterie remarquable ; elle semble dire : « Encore un coup de brosse, un coup de peigne ! Je ne serai jamais trop belle ! »

Juliette et Roméo occupent le pavillon de l’horloge et couchent dans la même pièce, mais à distance convenable. Ils font lit à part.

Leur appétit est celui qui convient à des personnages de cette taille. Voici leur ordinaire :

Dix livres de son, quinze livres de pain tendre, dix-huit bottes de foin, huit ou neuf corbeilles de carottes, quatorze seaux d’eau soigneusement filtrée. Dans les grandes chaleurs on ajoute une barrique de coco.

Avec un tel menu on ne meurt pas de faim ; je crois même qu’il est permis d’engraisser.

Vers midi, après un petit bout de toilette, Juliette et Roméo quittent leur appartement. Un gracieux baldaquin du poids de quatre-vingts kilogrammes s’élève sur leur croupe monumentale, et ils font le tour du jardin, portant sur le dos des bouquets d’enfants.

Rien n’est joli comme toutes ces têtes roses et blondes couronnant ces forteresses ambulantes. Parfois les parents prennent place au milieu des bébés et jouent gravement au nabab. Mais tout cela n’est qu’une plume pour Juliette et Roméo, qui porteraient tout un gouvernement sans broncher.

Ces Éléphants n’arrivent pas directement d’Abyssinie, ils ont fait une station de quelques mois à Turin, dans le Jardin