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PORTRAITS ZOOLOGIQUES

je ne sais quoi d’espiègle et de mélancolique, de grave et de mutin ; je ne sais quel charme exotique qui transporte l’imagination sous les hauts palmiers, au bord des grands fleuves où boit la gazelle, en face d’horizons ensoleillés, ponctués de caravanes.

Juliette est une noble fille : ses ancêtres, tour à tour adorés comme dieux ou célébrés comme guerriers, combattirent avec éclat sous le roi Pyrrhus. Ils figurèrent en tête de l’armée carthaginoise et suivirent Annibal en Italie.

Dans l’extrême Orient, les princes et les rois suspendent à leur cou l’image de Juliette.

C’est un titre et un honneur.

Juliette porte une robe brune, artistement ourlée et soutachée de gris. Cette robe, d’un grain merveilleux, dessine autour des épaules une espèce de saute-en-barque ou de suivez-moi, jeune homme.

Sa taille est de cinq pieds neuf pouces, bien prise, mais un peu forte : elle mesure quatre mètres de circonférence. À côté de Juliette, la plus large des femmes de la Halle est moins grosse qu’une souris.

Son pied, qui n’a rien de chinois, serait à l’étroit dans une botte de sept lieues. Mais son pas est mesuré, discret et sourd, fait pour les rendez-vous.

On le dirait chaussé de caoutchouc. Son talon écraserait une tortue d’Aldobre, et son petit doigt ferait craquer la pantoufle de Cendrillon.

Ses oreilles, larges comme la feuille du caroubier et mouvantes comme une vague, ont pour le moins deux pieds de long. C’est pour mieux entendre, j’imagine, le chant de l’alouette et les confidences de Roméo.

Sa bouche, un peu grande, avalerait sans peine un melon