Page:Frontin - Les Stratagèmes - Aqueducs de la ville de Rome, trad Bailly, 1848.djvu/89

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
87
LES STRATAGÈMES. LIV. I.

Les ruses de ce genre ne peuvent être employées que lorsqu’on connaît l’ignorance et la superstition des hommes auxquels on s’adresse ; mais il est bien préférable d’en imaginer qui soient de nature à pouvoir être prises réellement pour des manifestations divines.

14. Alexandre le Grand, au moment d’offrir un sacrifice, se servit d’une teinture pour tracer dans la main que l’aruspice allait porter sur les entrailles des victimes, certaines lettres qui signifiaient qu’il serait vainqueur. Le foie, encore chaud, ayant reçu promptement ces caractères, Alexandre les fit voir aux soldats, et accrut par là leur courage, comme si un dieu lui eût promis la victoire.

15. L’aruspice Sudinès en fit autant, lorsqu’Eumène était sur le point de livrer bataille aux Gaulois.

16. Épaminondas, général thébain, persuadé que ses troupes marcheraient avec plus de confiance contre les Lacédémoniens, si un motif religieux les animait, enleva pendant la nuit les armes suspendues en trophées dans les temples, et fit entendre aux soldats que les dieux les suivaient pour les secourir dans le combat.

17. Agésilas, roi de Lacédémone, ayant fait quelques prisonniers aux Perses, dont l’aspect est effrayant quand ils ont leur costume de guerre, les mit à nu, et montra leurs corps blancs et délicats à ses troupes, afin qu’elles n’eussent que du mépris pour de pareils soldats.

18. Gélon, tyran de Syracuse, ayant fait dans une guerre contre les Carthaginois, un grand nombre de prisonniers, choisit les plus faibles, surtout parmi les auxiliaires, qui étaient très-noirs, et les fit paraître nus en présence de ses soldats, pour exciter leur mépris.

19. Cyrus, roi de Perse, voulant donner du courage à ses sujets, les fatigua toute une journée à couper une