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L’HOMME À L’HISPANO

homme aurait été changé. Sur le mur, en tenue de golf, il aurait vu le portrait du mari qu’il ne cherchait pas à connaître puisqu’il savait n’être, lui-même, qu’un passant. Il aurait reconnu Meredith Oswill, tel que la veille il lui avait parlé dans la pâtisserie de miss Redge. Il aurait su que son confident, l’inconnu auquel il s’était avoué, — et le seul, — l’excentrique dont il n’avait pas eu la curiosité d’apprendre le nom, c’était l’époux de sa maîtresse. Alors, ne pouvant douter d’être à sa merci, il aurait parlé tout de suite. Mais Stéphane ouvrit une autre porte. Une seconde, elle avait hésité et puis, gênée tout justement par la présence du portrait, elle avait pénétré dans le salon voisin. Jamais l’homme n’entend sonner la minute importante de sa vie ; et, pourtant, elle sonne.


Ce fut ce soir-là que Georges Dewalter se fabriqua un personnage. Ce fut ce soir-là que, par le Verbe, il créa de lui un être nouveau, déterminé, un faux Dewalter. Était-il faux ? Il l’était, puisque aucun des souvenirs qu’il racontait — souvenirs de jeunesse, frissons d’enfance, aventures d’hier — n’était réel. Ils étaient inventés. Mais il était vrai tout de même, ce Dewalter, puisque aucun de ces souvenirs imaginaires n’était invraisemblable et que tous, au contraire, tous, ils auraient pu être les souvenirs de Dewalter-le pauvre, s’il était né Dewalter-le riche.