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L’HOMME À L’HISPANO

imposteur n’eût pas réussi mieux à donner le change. Mais aucun calcul, pas la moindre bassesse n’entraient dans son jeu. Il se parait, instinctivement, pour l’amour, comme ces misérables insectes de la nuit qui s’illuminent dans le désir.

Peu à peu, la cohue s’était dispersée. La plupart des dîneurs, voire des danseurs, avaient repris leurs grosses voitures et s’en étaient retournés à Biarritz, attirés par le baccara ou simplement pour leur repos. Il ne restait plus que quelques couples attardés et des groupes à trois ou quatre tables. Tout ce qui jusque-là, dans le détail, avait été vulgaire et bruyant, l’allée et venue des valets, les reliefs exposés des repas, s’effaça par degrés et l’on put enfin goûter la sereine poésie de l’endroit.

Le jour, la Réserve de Ciboure est mal placée. La baie, enlaidie par les constructions du rivage, ressemble à toutes les banlieues ; l’homme, en s’y installant, n’a point manqué de la rendre hideuse. Mais la nuit souveraine, par sa magie, efface régulièrement toutes les tares. Maintenant, une beauté singulière s’étendait sur le golfe, agrandi par les prestiges de la lune.

L’eau se balançait doucement, toute proche, comme un monstre assoupi dans un gigantesque hamac. Une brise amicale circulait librement, et, près du parquet de la danse, le jazz-band, tout à l’heure agressif, s’amadouait. D’une voix aérienne,