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L’HOMME À L’HISPANO

saura. Il lutte. Les années passent. Il rencontre des filles faciles ; il se repose quelques soirs entre leurs bras et puis, trop pur, pas de leur race, il s’éloigne sans qu’elles le retiennent. D’aucunes pensent avec bassesse que c’est dommage, un si bel être et sans argent ! Si elles osaient ? Mais elles n’osent pas. Sa fierté le protège des déchéances. Enfin, il en trouve une qui veut le suivre. Il tente avec elle ce qui toujours sollicitera l’honnête homme irrégulier : il se crée un humble foyer. Il a un but, mais l’éternelle Manon reparaît, fatale, au bout de sept ans. Pour ne pas s’avilir, il est contraint de la quitter. Seul derechef, orphelin de son premier amour, il devient de plus en plus un exilé.

Son destin se ressent du départ déséquilibré. Il a toutes les soifs et, sur la route, pas une source. Il s’entête, s’enfièvre, essaye, recommence. Un escroc habile lui dresse un piège, il y tombe, il paye des créanciers. Et quand sonnent ses trente ans, tout d’un coup il se décourage. Rien ne lui a réussi, tout lui a menti. Il se sent l’âme d’un grand seigneur et il n’est pas un forban pour le devenir. Il comprend que c’est fini, qu’il ne surgira pas de la foule désastreuse et qu’il n’a plus qu’à abdiquer.

Mais quelle est, sur tes murs, cette petite affiche blanche ? Il se bat partout, sur l’Yser, en Champagne, à la seconde Marne. La beauté physique lui est entière revenue. Chevalier de la Légion