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L’HOMME À L’HISPANO

Mais Dewalter l’interrompit. Presque brutalement il parla :

— Je sais ce que j’ai dit. J’ai dit : « Je m’en vais très loin, pour toujours ; laissez-moi regarder par la fenêtre… » J’ai dit : « Je suis orphelin. J’ai été élevé dans un luxe qui a disparu. J’ai fait la guerre. J’ai la croix. Pas de métier, pas de soutiens. Il me reste soixante mille francs. Dans cette petite cage, mon âme, trop large, se cogne. Je m’en vais, avec mes quatre sous. J’ai accepté une place au Sénégal, une place sans avenir. Je vais vivre et mourir là-bas, puisque je ne peux rien avoir en France de ce que j’aurais aimé. » Voilà ce que j’ai dit…

Oswill souriait :

— Vous avez ajouté : « Je n’ai pas de femme ». Alors j’ai dit : « Bravo ! » Et, à Bordeaux : « Bonne chance ». Et vous avez dit, vous : « Mon bateau part dans trois heures »… Je vous retrouve à Biarritz. Vous avez fait fortune ? La carrosserie de votre voiture vaut déjà plus de soixante mille francs.

Dewalter se tut. Sur son beau visage, il y avait une espèce de crispation.

— Vous avez peur que je vous trahisse ? murmura Oswill. Non, je suis un excentrique : je suis Anglais et curieux. Je suis probablement le seul… Je fais des expériences psychologiques. J’étudie pour mon plaisir. J’ai eu quelques ennuis pour ça… Si vous parlez, je répéterai pas…