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L’HOMME À L’HISPANO

Ils se rigolèrent tous les trois. Il ajouta froidement, d’un ton enchanté :

— Chez le duc de Greeland, ça a fait un drame… avec sa sœur ! Alors on m’en a un peu voulu.

Ce qu’il ne disait point, c’est qu’en effet la sœur du duc de Greeland — trente ans, pas belle, prude et sage jusque-là — s’était éprise du ténor. Le ténor d’abord en avait vécu. À la fin, la noble vieille fille en était morte : scandale énorme. Oswill criait à tue-tête, dans Londres entière, qu’il avait gagné son pari ; que le prestige physique de la voix humaine était définitivement établi ; que la sœur du duc de Greeland, son ami, était, grâce à lui, décédée utilement, martyre de la science expérimentale.

D’y repenser, il jubilait :

— On m’en a un peu voulu… Ça m’est égal, vous savez… Je suis ici, mais mon charbon, il est toujours là-bas, dans ma mine. Alors, à Biarritz, je peux mettre beaucoup de bois dans ma cheminée.

Il disait vrai. Il était propriétaire de houillères sur lesquelles vivaient en servage deux ou trois milliers de familles nombreuses. Depuis des générations, elles étaient courbées sous toutes les fatalités du travail… le libre travail, qui est aux travaux forcés ce que la croix de Jésus est à celle de Barrabas, c’est-à-dire très exactement le même instrument de supplice.

Il se tourna vers le barman :