Page:Frondaie - L'Homme à l'Hispano - 1925.djvu/28

Cette page a été validée par deux contributeurs.
17
L’HOMME À L’HISPANO

peau halée et cuivrée par le grand air, donnait au personnage, au moment du bain, l’air précieux d’un bronze chinois. Au cours d’un voyage en Amérique australe, le baronnet s’était offert cette résille.

Elle affirmait l’une de ses manies les plus étonnantes : Oswill faisait des expériences physiologiques, et il les faisait sur les coléoptères. Parlant d’ordinaire le français, il avait une façon joviale et péremptoire de dire « mes expériences physiologiques » avec l’accent anglais ; il appuyait longuement sur le premier des deux mots ; il jetait le second avec une prodigieuse rapidité. Il semblait, par la désinvolture, vouloir s’excuser d’être supérieur. Il avait un orgueil maladif des curiosités de son cerveau. Quelquefois, au lieu de dire « physiologiques », il disait « psychologiques », ayant étendu le domaine de ses expériences.

« Expériences… » — Il arrondissait le mot, le gonflait dans sa gorge et entre ses dents. C’était une dilatation. À l’ordinaire maître de lui, d’une impeccable correction d’allure qui contrastait avec la verdeur du langage, excentrique et inquiétant, il ne devenait ridicule que lorsqu’il parlait de sa manie. On eût dit qu’il s’en rendait compte. Entre ses dents, la psychologie, la physiologie, — ces deux mots-là — sifflaient comme des vipères ; en même temps, il souriait d’un sourire figé, contraint, avec l’air de savoir qu’il s’exposait aux