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l’homme à l’hispano

— C’est vrai, reprit Dewalter. Et pourtant nous construisons… J’ai construit pièce par pièce, pour elle, un personnage. Il était devenu vivant, même pour moi. Je l’avais fabriqué de mes aspirations. C’est lui qu’elle aime. Et il était riche… Ah ! si vous saviez comme il était riche !…

Montnormand comprenait bien de quelle richesse il parlait, richesse du cœur, de l’esprit, richesses que la richesse n’aurait dû que servir… À son tour, il commença de dire ce qu’il croyait utile. Il voyait l’immense douleur de son ami et, pour la vaincre, il se jeta sur elle. À la fois admirable et ridicule, il essayait de la détruire avec des ruses de nain qui veut abattre une géante. Il trouvait des paroles magnifiques, des mots lourds de sens. Il prêcha le courage, la joie de se grandir en souffrant. À la fin, il offrit son argent. Georges refusa. Il insista :

— J’ai confiance en toi, disait-il, je sais que tu es honnête. Tu n’as rien fait de mal. Si tu as été faible et imprudent, tu as payé ta faute de ta douleur. Grâce au ciel, tu n’as plus rien. Mais je te prêterai, moi, de quoi partir et t’installer au Sénégal. J’ai confiance. Avec mon argent, je sais que tu t’en iras ! Et, pour me le rendre et pour me faire plaisir, tu travailleras. Tu n’as pas le droit de refuser puisque je te crée un devoir. Si tu le veux, de là-bas, tu lui écriras, à cette femme. Tu pourras le faire, sans craindre d’elle un jugement puisque tu seras parti.