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L’HOMME À L’HISPANO

année-là, mourut Pascal Coulevaï. Sa dépouille traversa l’obscure ville d’Oloron, dont chaque demeure est orgueilleuse et cadenassée comme une banque. On la vit passer au confluent de gaves ; dans l’église de Sainte-Croix, tout le peuple pria pour elle. Pour une fois, Oloron fut dans la rue.

Cette sombre cité catholique, écrasée sous le soleil comme une grappe de raisin noir, semble destinée à mûrir sur sa colline sans être cueillie par les siècles. Les générations s’y succèdent à la façon de peupliers, si parfaitement pareils sur les routes qu’on ne saurait, de loin, les distinguer. À Oloron, les âges se suivent et se ressemblent. Les richesses s’amoncellent sans se dépenser. La boulangère a des écus, le marchand d’huile pourrait, sans fin, être lui-même pressuré, le rentier économise non seulement ses rentes, mais les rentes de ses revenus. Les maisons, bien construites, lépreuses d’orgueil et de vieillesse, rivalisent par leurs fortunes avec les plus somptueuses bâtisses d’un Anvers ou d’un Hambourg. Aux heures chaudes de la journée, personne ne passe dans les rues immobiles et, seuls, quelques chats mal nourris, entre deux sommeils réticents, y dansent sur les pavés pointus. La nuit, la petite ville se dessine, grandiose et hostile, dans l’air limpide. Le miracle béarnais enveloppe d’un charme goguenard cette forteresse de l’avarice et de la prudence qui, dans tout autre