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l’homme à l’hispano

du fond de son être. Elle lui dit qu’il avait droit à sa vie entière. Elle fut surprise de lui entendre répondre bizarrement, comme à son insu, comme pour lui-même, qu’il n’avait droit à rien du tout. Elle le trouva soudain excessif, tantôt triste, et tantôt trop gai. Après un temps de silence, elle lui demanda s’il avait quelque chose à lui cacher ?

Elle insista. Il lui semblait qu’il avait une inquiétude obscure :

— Dis-le-moi. L’idée que tu pourrais me cacher quelque chose serait pour moi insupportable. Je ne pourrais plus l’oublier. Je te pose une question aujourd’hui, tout de suite : as-tu quelque chose à me cacher ?

Elle avait pris ses mains et elle le regardait avec ses grands yeux nets. Pendant quelques secondes, il eut une espérance insensée. Il crut, le temps d’un éclair, qu’il allait parler. Mais elle lui fit peur, tant il vit de loyauté sur son visage. Il sentit que, s’il avouait, c’était fini, que jamais plus elle ne le croirait. Il se souvint qu’une fois déjà, le premier soir de Ciboure, elle lui avait dit avoir le mensonge en horreur. Alors, il pesa sur les mots, tout proche d’elle :

— Non, dit-il. Non. Je n’ai rien à te cacher… Je t’aime simplement et je suis heureux.

— Tant mieux, murmura-t-elle, tant mieux. La découverte d’un secret entre nous m’aurait glacée.

Et ils parlèrent d’autre chose.