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L’HOMME À L’HISPANO

regret que la belle voiture, souple et rapide comme un oiseau, ne fût pas à lui, parce qu’elle plaisait à Stéphane, Il songea qu’il faudrait la remplacer.

Octobre, tout proche, lui fournissait le prétexte à vouloir un véhicule fermé. Il décida de louer une automobile pour le service de lady Oswill. Il savait qu’elle y monterait sans y prendre garde, comme au saut du lit on entre dans ses mules ; il savait aussi qu’il ne pouvait plus ne pas avoir un chauffeur devant la porte pendant les quelques semaines qu’il allait vivre avec elle. Il était préparé à jouer son rôle jusqu’au bout, à cacher sa pauvreté, comme ces ouvriers qui, malades et sans ressources, cèlent leur faiblesse et fardent leur visage pour ne pas être chassés des ateliers ; et aussi comme les gens bien élevés qui ne parlent jamais de leurs maux.

Maintenant il en arrivait à sourire lui-même de sa folie. Il se disait :

— C’est l’engrenage. Ce qui commence dans la pensée finit dans l’action. J’ai été tenu pour riche, alors j’ai feint la richesse. Aujourd’hui j’ai les gestes de la richesse. Demain…

Arrivé là, il ne se disait plus rien,

Il avait pris le parti de fermer les yeux. Il savait que, dans un mois, Stéphane devrait retourner chez elle et qu’alors il les rouvrirait. Et peut-être était-il comme la plupart des hommes : ils fuient en avant et renoncent