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L’HOMME À L’HISPANO

été de se trouver au-dessus d’un soupçon de cette nature : riche, il l’était comme elle. Aujourd’hui, l’idée d’un Dewalter pauvre ne l’effleurait point. Trompée par l’apparence, entraînée par son instinct de l’aimer, elle avait, sans y prendre garde, jugé l’homme qui lui plaisait d’après son apparition dans l’Hispano. Deléone, en passant, avait parlé de sa riche oisiveté et surtout — surtout elle n’avait pas mis en doute, une seconde, ce que, lui-même, il avait dit. Les souvenirs de jeunesse racontés à ses pieds, lors de sa première visite nocturne à la villa, étaient des souvenirs dorés. Elle ne s’attardait plus à ces choses : elle croyait Dewalter riche, très riche, comme elle, et il n’ignorait pas qu’elle le croyait. Il aurait voulu vivre sa vie auprès d’elle, ne plus la quitter jamais. Pourtant, sachant qu’il fallait partir demain, il trouvait dans la différence de leurs fortunes une énergie secrète. Il savait qu’il serait déchiré, mais qu’il s’éloignerait sans parler.

La veille du jour fatal, il alla voir Stéphane chez elle. C’était un mercredi, le troisième de septembre et celui que, chaque mois, elle réservait à ses réceptions. Elle n’avait pas voulu manquer à cette obligation habituelle. D’ailleurs, difficilement elle l’aurait pu. Elle avait prié Georges pour le thé, heureuse de le sentir auprès d’elle, en dépit de la gêne de ne pas devoir lui parler plus longtemps qu’aux autres personnes.