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L’HOMME À L’HISPANO

s’appliquaient, joyeux. Déjà l’eau montait… Dewalter se dit qu’il ressemblait à ces enfants : le même désert mouvant qui, tout à l’heure, nivellerait les grains du sable, demain l’emporterait et, sur la plage de Biarritz, bientôt, on chercherait aussi vainement le souvenir de son aventure que la silhouette disparue du château construit pour une heure.

Il savait si bien cela que son chagrin de perdre Stéphane était supportable. L’inconscient dans chacun de nous travaille à l’insu de l’intelligence. Le sien le défendait. Il fabriquait obscurément le contrepoison aux intoxications de la pensée.

Le voyage à Oloron lui avait été salutaire. Là, il avait contemplé la vieille fortune face à face. Qu’est-ce qu’un émigrant comme lui avait à faire dans ces domaines ? Et Stéphane ? La richesse trouvée au berceau lui avait donné une vision restreinte de la vie. Que faisait-il donc auprès d’elle ? Elle était belle, généreuse, noble de cœur et d’esprit. Elle l’aimait. Pourtant, il avait compris qu’elle ignorait la pauvreté. Elle l’ignorait au point de ne pas l’imaginer. Les problèmes de l’argent lui étaient aussi étrangers que ceux des astronomes. Elle ne savait pas. Pour elle, acheter, payer, c’était écrire un chiffre, — à peu près comme un numéro de téléphone, — signer dessous et tendre un chèque. Deux jours auparavant, un petit fait, le plus banal des petits faits, l’avait