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L’HOMME À L’HISPANO

parc auquel les printemps amoncelés avaient donné une vigueur forestière. Il était une ville d’oiseaux. Son vacarme aérien s’apaisait à la fin d’octobre quand les longues pluies de l’hiver faisaient à leur tour leur bruit monotone sur les feuillages persistants. En dehors des murs, s’étendaient de vastes terres, coupées des haies, des bois hantés par les silencieux rapaces de la nuit. De leurs grandes ailes molles, ils s’en allaient dans l’ombre à la recherche des nourritures vivantes. Ainsi, en l’absence des propriétaires humains, les grandes lois guerrières de la faim et de la mort ne cessaient de régner sur le domaine.

En plus des jardiniers, des métayers et de quelques servantes oisives, la maison était régentée par un couple de vieux gardiens. C’était Antoinette qui, vingt-six ans plus tôt, de son large sein bien laitier, avait donné à Stéphane sa première vigueur. Aujourd’hui, elle était ridée comme une pomme d’hiver et commençait à se courber. Mais toujours vive, heureuse de son sort, elle courait du matin au soir. Elle aimait humblement son mari, le garde Nicolaï, vénérait le souvenir des maîtres disparus, adorait Stéphane dont elle portait au doigt la première dent montée sur un fil d’or. Elle haïssait sir Meredith Oswill, qu’elle appelait le vilain Anglais. Nicolaï était un grand au visage dur. Il avait des yeux limpides, un esprit droit et limité. Il marchait