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L’HOMME À L’HISPANO

daient des légumes vivants, à peine sortis de la terre et tout imprégnés encore des fluides bienfaisants du sol. Ils étaient durs et luisants comme, sur les ports, les poissons qui, tout à l’heure, se débattaient dans le filet. Des enfants et des vieillards portaient des paniers. L’église prochaine sonnait pour un baptême et les parents endimanchés attendaient sur les marches où le pas des générations avait laissé la marque de l’usure. Une vie simple et robuste régnait partout dans le village ; mais l’agitation de l’argent, l’offre et la demande, l’âpreté au gain, l’avarice campagnarde lui donnaient l’aspect d’un combat. L’auto dut s’arrêter quelques minutes, gênée par le bétail et la population. Des gamins, farauds, s’accrochèrent aux roues et les hommes s’écartaient sans bonne humeur pour laisser passer la grande voiture des riches. L’un des rustiques maugréa. Il jeta sur Georges un regard jaloux. Il avait, à la banque d’Oloron, en valeurs d’État, un million nouveau, sorti de la guerre. Ce million tenait compagnie à deux autres, d’autrefois. L’homme avait un visage ridé, chafouin, de gros habits rapiécés. Il était venu à pied d’un village voisin. Il murmura au marchand de vaches, avec lequel il disputait :

— Espie drin héns aquère boèture ! Gayte lou caddet. Qu’en y a qu’en au tropi de restes qu’en au, tonnerre ! Que partatjeri pta dab aquet !

La phrase haineuse portail haut ces mots sonores. Stéphane Coulevaï l’entendit. Amusée,