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L’HOMME À L’HISPANO

Georges n’avait jamais vu pareil spectacle, le plus exaltant que puisse offrir une foule en fête. Un ciel implacable et déjà d’Espagne mettait sur les arènes une Méditerranée aérienne. Là-bas, de l’autre côté du cirque, la lumière faisait surgir chaque détail. En même temps, tous, elle les mélangeait. Les toilettes des femmes, les ombrelles, les éventails agités sans répit composaient de gigantesques tableaux, comme hier les peignaient les impressionnistes. C’était un prodigieux chatoiement. Les costumes plus sombres des hommes y ajoutaient la chaleur de leurs taches fauves. La joie, l’impatience circulaient. Les vétérans du public expliquaient d’avance aux novices les beautés des prochains combats. On discutait la valeur des bêtes, le mérite des matadors. Le cirque lui-même était désert, mais, sur les gradins, un bourdonnement incessant était fait des conversations de trente mille bouches.

Stéphane et son amant avaient pris place à la contre-barrière. De ce poste de choix, ils ne pouvaient rien perdre des péripéties de la journée. Sitôt l’entrée de la première quadrilla, les clefs jetées et l’ouverture du toril d’où jaillit le fauve sur ses jambes élastiques, Stéphane fut saisie par l’intérêt de ces duels savants. Intrépide en esprit, elle savait juger. Elle ne se trompait pas sur la valeur des passes, des banderilles, sur l’habile diversion des hommes à cheval ; elle discernait la tromperie, le geste théâtral, de la vraie