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DE JEAN FROISSART.

temporain dans ces trente premières années : il n’était pas encore né, ou bien était, sinon dans son enfance, au moins dans un âge où il n’avait pu faire un grand usage de sa raison. Aussi ne parle-t-il guères dans ces trente années comme un auteur qui aurait vu ce qu’il raconte ; et c’est sans doute à ce temps-là seulement qu’on doit rapporter ce qu’il dit au commencement de son histoire, qu’il l’écrivait d’après une autre qui avoit paru auparavant. C’était, comme il nous l’apprend encore, les vrayes Chroniques de Jean le Bel[1], chanoine de St. Lambert de Liége. Ces chroniques ne sont point venues jusqu’à nous ; et je n’ai pu découvrir, ni sur l’ouvrage ni sur l’auteur,

  1. Voici les propres termes de Froissart dans le prologue de son premier volume.

    Donc pour atteindre à la matière que j’ay entreprise, je veuil commencer premièrement par la grace de Dieu et de la benoiste Vierge Marie (dont tout confort et avancement viennent), et me veuil fonder, et ordonner sur les vrayes croniques jadis faittes par révérend homme discret et sage, Monseigneur maistre Jehan le Bel, Chanoine de St. Lambert de Liége qui grand cure et toute bonne diligence meist en ceste manière, et la continua tout son vivant et plus justement qu’il put ; et moult lui couta à querre et à l’avoir, mais quelques fraiz qu’il y fit, riens ne les plaignit, car il estoit riche et puissant (si les pouvait bien porter) et estoit de soy mesme large, honorable et courtois, et volontiers voyoit le sien despendre ; aussy il fut en son vivant moult aimé et secret à Monseigneur messire Jehan de Haynaut, qui bien est ramenteu, et de raison, en ce livre ; car de moult belles et nobles advenues fut-il chef et cause, et des roys moult prochain ; pourquoy le dessus dit messire Jehan le Bel peut de lez luy voir plusieurs nobles besognes lesquelles sont contenues cy après.