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DE JEAN FROISSART.

Viennent et d’armes et d’amours.
Ensi passoie mon jouvent ;
Mès je vous ai bien en convent
Que pas ne le passai com nices ;
Mès d’amer par amours tous riches ;
Car tant fort men plasoit la vie
Qu’aillours n’ert m’entente ravie,
Ne ma plaisance, ne mon corps.
Encor m’en fait bien li recors,
Et fera, tant com je vivrai ;
Car par ce penser mon vivre ai
Garni dune doulce pouture ;
Et s’est tele ma nouriture
De grant temps ; fuisse jà pouris
S’en ce n’euisse esté nouris.
Mès le recort et la plaisance,
Le parler et la souvenance
Que pluisours fois y ai éu
M’ont de trop grand bien pourvéu.
Nous n’avons qu’un petit à vivre,
Pourtant fait bon eslire un vivre
En troes, com est dou prendre en point
Qu’on ne faille à sa santé point,
Pour amer par amours, l’entens.
Mieuls ne poet employer le tems
Homs, ce m’est vis, qu’au bien amer ;
Car qui voelt son coer entamer
En bon mours et en nobles teches,
En tous membres de gentilleces,
Amours est la droite racine ;