Page:Froissart - Poésies (1829).djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
152
POÉSIES

Comme le doit faire uns homs esbahis ;
Car vostre grant beauté a mon coer mis
En un desir qui nuit et jonr m’esveille.
Mès cils desirs ardamment me traveille,
Car la beauté de vous me represente ;
Et Plaisance, qui m’est toujours présente,
En fait aussi grandement son devoir.
Or ne sçai pas où confort puisse avoir
Ne remède de mon cruel martire ;
Car vo beauté mon desir si fort tire,
Et le fait si mouvoir sans ordennance,
Que se Paours n’estoit et Attemprance,
Le fort desir qui me bruist et art
Se mouveroit sans mesure et sans art.
Mès Attemprance et Paour autressi
Le retiennent, ou voeille ou non. Ensi
Sui detirés et par tele manière
Sans nul arrest, puis avant, puis arrière,
Qu’à painne sçai cognoistre que je voeil ;
Car dessus vous tirent tout-dis mi oeil
Qui s’enflament si de vos douls regars,
Que Desirs voelt que quant je vous regars,
À quele fin que soit, que je vous die
Apertement toute ma maladie ;
Et quant j’en sui auques près à la voie,
Adont Paours Attemprance m’envoie
Qui me semont trop bien del aviser.
Lors me convient couvertement viser,
Et regarder à senestre et à destre,
Que Malebouche entour moi ne puist estre.