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POÉSIES

Par qui desirs moet continuelment ;
Si qu’il ne poet arrester nullement.
Ains y met si s’imagination
Qu’il n’a ailleurs l’oeil ne l’intention
Qu’à ce qu’il puist embracier, et qu’il sente
Sa part dou bien que Beauté li présente.
En ce parti me puis assés trouver ;
Car Plaisance a volu en moi ouvrer
Par la vertu de vostre beauté, dame,
Dont le regart si plainnement m’enflame
Que pour ce sui de vous amer espris.
Car quant Beauté et Plaisance m’ont pris,
Dont nuit et jour amonnestés je sui,
N’en doi, par droit, pas accuser autrui,
Fors ceuls qui sont cause de mon desir.
De vostre amour, dame que tant desir,
M’a esméu vo beauté qui tout passe.
Quant je vous vi premiers, n’oe pas espasse
De concevoir de vo beauté les tains ;
Ains fu mon coer si pris et si attains,
Et si ravis en parfette plaisance,
Que j’en perdi manière et contenance,
Non seulement, madame, pour ceste heure
Mès pour toutes aultres. Dont j’en demeure
À vo voloir, et tout-dis ensi ert.
Bon don attent cilz qui bon mestre sert.
Je ne dis pas que desservi riens aie ;
Trop païe bien qui devant heure paie.
Mon païement gist en vo douce attente ;
Mès nuit et jour desirs pour vous me tempte,