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POÉSIES

Et qui de moi est la très souverainne,
Que se pour li reçoi griefté ne painne
À son plaisir y poet mettre aligance.
Or, pri Amours, qui ses servans avance,
Qu’il me pourvoie en sens et en langage
Telement, que la belle et bonne et sage
Voeille en bon gré ce dittie recevoir.
S’elle y entent, bien pora percevoir
Comment Amours, qui m’a en son demaine,
À la façon de l’Orloge me mainne ;
Car de mon coer a fait loge et maison,
Et là dedens logié, à grant foison
De mouvemens et de fais dolereus.
Onques, je croi, n’en ot tant amoureus ;
Car par Amours est près ma vie oultrée
Ensi qu’elle ert en ce dittie monstrée.
Or voeil parler del estat del Orloge.
La premerain-ne roe qui y loge,
Celle est la mère et li commencemens
Qui fait mouvoir les aultres mouvemens
Dont l’Orloge a ordenance et manière ;
Pour ce poet bien ceste roe première
Segnefyer très convignablement
Le vrai désir qui le coer d’omme esprent ;
Car Désir est la première racine
Que en amer par Amours l’enracine ;
Mès il y fault deux choses sourvenir,
Ançois qu’il puist parfettement venir
En coer d’amant, ne monstrer sa puissance :
L’une Beauté et li autre Plaisance.