Page:Froissart - Poésies (1829).djvu/146

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
130
POÉSIES


Que del avoir pour véoir à loisir
Au vespre clore et au matin ouvrir ;
Et le soleil de tout le jour sievir,
Et ses florons contre lui espanir.
Tele vertu doit-on bien conjoir,
À mon semblant.

Si fai-je voir ; là gist tout mon plaisir.
Il m’est avis, le jour que le remir,
Qu’il ne me poet que tous biens avenir,
Et pour l’amour d’une seule, à qui tir,
Dont je ne puis que de regars joir.
C’est assés peu ; mès ce me fault souffrir.
Toutes les voeil honnourer et servir
D’or en avant

Et si prommec à la flourette, quant
Ès lieu venrai, là où il en croist tant,
Tout pour l’amour de la ditte devant,
J’en cueillerai une ou deus en riant,
Et si dirai, son grant bien recordant :
« Veci la flour qui me tient tout joiant,
» Et qui me fait en souffissance grant
» Tous biens sentir.

» Com plus le voi et mieuls me sont séant
» Si doulc regard et si arroi plaisant ;
» Car en cascun floron, je vous créant,
» Porte la flour un droit dart ataillant,
» Dont navrés sui si, en soi regardant,
» Que membre n’ai où le cop ne s’espant.
» Mès la vertu au Dieu d’Amours demant
» De moi garir. »