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POÉSIES


Et ceste flour qui tant est douce et fine,
Belle en cruçon, et en regard bénigne,
Un usage a et une vertu digne
Que j’ai moult chier, quant bien je l’imagine.
Car tout ensi que le soleil chemine
De son lever jusqu’à tant qu’il decline,
La Margherite encontre lui s’encline
Comme celi

Qui monstrer voelt son bien et sa doctrine ;
Car le soleil qui en beauté l’afine,
Naturelment li est chambre et courtine,
Et le deffent contre toute bruïne,
Et ses couleurs de blank et de sanguine
Li paraccroist ; c’en sont li certain signe
Pourquoi la flour est envers li encline.
S’ai bien cuesi

Quant j’ai en coer tel flourette enchieti
Que sans semence, et sans semeur aussi,
Premièrement hors de terre appari.
Une pucelle ama tant son ami,
Ce fut l’hérès, qui tamaint mal souffri
Pour bien amer loyalment Cephéy,
Que des larmes que la belle espandi
Sus la verdure

Où son ami on ot ensepveli,
Tant y ploura, dolousa et gémi
Que la terre les larmes recueilli.
Pité en ot ; encontre elles s’ouvri ;
Et Jupiter qui ceste amour senti,