Page:Froissart - Poésies (1829).djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
95
SUR L’HISTOIRE DE FROISSART.

complet des Antiquités du XIV.e siècle. Il faut avouer que ces détails n’attirent l’attention que par leur propre singularité ; ils sont rapportés sans étude et sans art : c’est proprement la conversation familière d’un homme d’esprit, qui a beaucoup vu et qui raconte avec grâce. Cependant ce conteur agréable sait quelquefois, sur-tout dans les grands événements, allier la majesté de l’histoire avec la simplicité de la narration. Qu’on lise entre autres choses, parmi tant de batailles qu’il a si bien peintes, qu’on lise le récit de la fameuse journée de Poitiers : on y verra dans la personne du prince de Galles, un héros plus grand par la générosité avec laquelle il use de sa victoire, par ses égards pour le prince vaincu, et par les respects qu’il lui rendit toujours, que par les efforts de courage qui l’avaient fait triompher. Je ne crois pas qu’il y ait rien d’égal à la sublimité de ce morceau d’histoire, rien qui soit plus capable d’élever le cœur et l’esprit. D’autres d’un genre bien différent, tirent tout leur prix de leur naïveté : tel est l’épisode de l’amour du roi d’Angleterre pour la comtesse de Salisbury, dont le récit tendre et touchant ne le cède peut-être point aux romans les plus ingénieux et les mieux écrits. L’historien prend quelquefois un ton enjoué, comme dans le chapitre où il parle de l’impatience du jeune roi Charles VI pour voir sa nouvelle