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JUGEMENT

sérieuses du cabinet, dont il était naturellement peu capable. Je ne craindrai point de dire que sa manière de vivre se trouve en quelque façon retracée dans sa chronique même. On y voit des assemblées tumultueuses de guerriers de tous états, de tous âges, de tous pays ; des fêtes ; des repas d’hôtelleries ; des conversations qui, après souper, étaient continuées fort avant dans la nuit, où chacun contait à l’envi ce qu’il avait vu, ce qu’il avoit fait, et au sortir desquelles le voyageur, avant de se coucher, allait encore jeter à la hâte sur le papier ce qu’il en avait pu retenir. On y voit l’histoire des événements passés pendant près d’un siècle dans toutes les provinces du royaume, et celle de tous les peuples de l’Europe, racontées sans ordre. Dans un petit nombre de chapitres, on trouve souvent plusieurs histoires différentes commencées, interrompues, reprises, discontinuées de nouveau plusieurs fois ; et dans cette confusion les mêmes choses répétées, soit pour être réformées, contredites, démenties, soit pour être augmentées. L’historien semble avoir porté jusque dans la composition de sa chronique, sa passion pour les romans, et avoir imité par ce désordre, celui qui règne dans ces sortes d’ouvrages, dont on dirait même qu’il a affecté d’emprunter quelques façons, de parler. Ainsi, par exemple, lorsqu’il commence une narration, il use souvent de ces