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De la composition de Méliador

ceaux y sont même exprimés avec tant de bonheur qu’on est en droit de se demander, avec un récent critique, si Froissart ne s’est pas inspiré en l’espèce de ses souvenirs personnels. Au sentiment de M. le vicomte François Delaborde, « Sagremor allant et venant, le cœur « frisce et gay » de la chambre du roi à celle de la reine, dans le palais d’Artus, doit ressembler beaucoup au jeune clerc de la reine Philippe, tel qu’on l’avait vu à la cour d’Angleterre, dans la fraîcheur de ses vingt ans ; et ses enfantines amours avec sa mie Sébille, jouant et riant en toute innocence sous l’œil bienveillant de la reine Genièvre, remettent en mémoire celles de Froissart adolescent avec cette belle jeune fille de l’Espinette amoureuse, dont il n’osait redire le nom, mais dont il se rappela toute sa vie le doux rire, tandis qu’elle lisait le roman de Cleomadès[1]. » Cependant, dans cette partie du roman relative à Sagremor qui, d’ailleurs, ne nous est point parvenue en son entier, que de lacunes même au point de vue des sentiments humains, lacunes qui semblent bien montrer que Froissart était incapable de peindre des impressions qu’il n’avait point ressenties ou qu’il n’avait pu observer d’assez près. Pour courir les aventures le jeune prince d’Irlande a quitté furtivement la cour du roi son père qui en meurt de douleur, et l’auteur de Meliador, toujours prêt à exalter la gloire des armes, ne

  1. Fr. Delaborde, Jean Froissart et son temps à propos d’un livre récent, p. 25 (Paris, 1895, in-8o ; extrait du Correspondant).