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Introduction

Sagremor est mort victime de sa témérité ; or il ne convient pas de demeurer privé de roi et l’on offre alors le pouvoir suprême au plus fameux chevalier d’Irlande, à Bondigal. Celui-ci l’accepte ; il est couronné à Dublin et le nouveau souverain, d’un naturel fort belliqueux, fait garnir les frontières de l’Irlande de guerriers chargés d’interdire l’accès du pays à tout chevalier venant du dehors. L’Irlande se trouve ainsi fermée à Sagremor qui est passé en Bretagne ; s’il veut rentrer en possession de son héritage, il le lui faudra conquérir et il n’y manquera sans doute point (v. 26591).

Pendant que Méliador poursuivait son chemin au pays d’Irlande, son attention est attirée par une damoiselle qui chevauchait accompagnée d’un nain, chantant un rondeau et précédant de peu un chevalier irlandais, Carentron, son ami. Malgré l’avis qu’il reçoit de la belle voyageuse, Méliador s’arrête pour lui adresser une question et se voit bientôt défié par Carentron, fort ému de voir sa mie en compagnie d’un étranger. Quoique l’Irlandais fût un très vaillant guerrier, il n’en est pas moins contraint de se rendre à merci et promet à son vainqueur d’aller conter son aventure au roi Artus. En conséquence, il se met en route vers le pays de Galles, avec la damoiselle, dans l’équipement ordinaire d’un chevalier vaincu qui ne s’est pas encore acquitté de l’ordre à lui donné par son heureux adversaire, c’est-à-dire désarmé et l’épée pendue à rebours (v. 26910).

Parlons maintenant de la fille du duc de Cornouailles que l’état de santé du comte des Îles, père de Lucienne, oblige à se séparer de sa cousine et qui, sur le conseil de celle-ci, est envoyée auprès de la reine Genièvre où elle pourra assister à la clôture de la quête, car les cinq années que doit durer le concours touchent bientôt à leur terme. Fort bien accueillie du roi et de la reine de Bretagne qui la nomment « belle cousine », on lui donne Sébille pour compagne et les deux jeunes filles se prennent l’une pour l’autre d’une grande amitié. Un jour, Phénonée voit arriver à la cour d’Artus deux chevaliers grands et forts, vaincus par