Page:Froissart - Méliador, tome 1.djvu/32

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
xxviii
Introduction

Phénonée a ressentis pour le Chevalier Rouge, puisque Méliador en est l’objet véritable, et il ne sait à quoi se résoudre. Bertoulet lui conseille alors d’aller voir la fille du duc Patris et de lui parler ; mais comment s’introduire auprès d’elle ? Agamanor possédait heureusement un certain talent de peintre, talent beaucoup moins rare chez les chevaliers qu’on ne pourrait le croire : c’est donc comme artiste qu’il paraîtra chez Phénonée et, qui plus est, comme auteur d’un tableau représentant les aventures du Chevalier Rouge. Son plan d’opérations une fois dressé, il se dirige vers la résidence du duc de Cornouailles, laisse son équipement en dépôt dans une maison située à une journée de Tarbonne et se loge enfin dans cette ville chez un prud’homme, auprès duquel il prend la qualité de peintre (v. 20228).

Agamanor reproduit alors sur une toile divers épisodes du tournoi et des fêtes de Tarbonne où le Chevalier Rouge tient la première place. Le tableau terminé, il l’enroule autour d’un bâton, se rend à la demeure de Phénonée, présente son œuvre à la jeune fille, et celle-ci, après s’en être déclaré acquéreur, laisse à une chambrière le soin de s’occuper de l’artiste. Le peintre amoureux est fort en peine d’être aussi vite séparé de sa dame : il dîne cependant au manoir, mais, lorsque la suivante lui présente quarante marcs en paiement de la toile, il refuse obstinément de les prendre et s’en retourne à Tarbonne, promettant de revenir prochainement avec quelque autre ouvrage (v. 20564).

Après le départ d’Agamanor, Phénonée et Lucienne s’enferment en une chambre pour examiner à loisir l’œuvre du peintre. Lucienne estime que ce tableau qui retrace des souvenirs chers à sa cousine, a été exécuté sur l’ordre du Chevalier Rouge, instruit sans doute de l’inclination de Phénonée et désireux d’apporter un remède au mal dont elle souffre ; elle pense en outre qu’il convient de faire une enquête. Valienne, la chambrière, est mandée à cet effet : on la questionne sur l’attitude du peintre à son départ, et,