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BIOGRAPHIE

Et ses mentons
Est moult doucès ;
Belle bouche à donner pès,
Et chevelès
A beaus et blons.
S’est sa parolle et ses tons
Ossi plaisans que li sons
Des oiselès
Est à l’oir, quant li més
Vient et la douce saisons
Qu’on les ot sus ces buissons,
Par ces regrès
Au chanter près ;
Et pour ce a tousjours mès
Son servant vrès,
Sans avoir cès.
Je me renc li siens soubjès
Car c’est raisons.


Dans une autre pièce il parle de son amour en vers qui rappellent ceux de Pétrarque sur le même sujet.


Car c’est d’esté et d’yver,
Au levier et au couchier,
Au dormir, au resvillier,
Soit au boire ou au mengier,
À l’aler ou au joquier,
Au sevir ou au drecier,
Ou au reposer cuidier,
Qu’Amours si me représente
Son plaisant corps et legier,
Son maintien gai, friche et chier,
Sa bonté qu’on doit prisier,
Son sens ou n’a qu’ensegnier,
Ses meurs qui sont coustumier
De bien faire, et si entier
Qu’il n’y a que corrigier.
Ne je n’ai aillours entente,
Ne me puis nés apoyer,
Tenir chief sus orillier,
Estre quois ne piétyer,
Ne errer, ne chevaucier,
Ne parler, ne consillier,
Ne moi si ensonnyer,
Estre en hostel n’en moustier,
Aourer Dieu, ne pryer,
Ne compagnie enquier,
Pour moi un peu oublyer
Qu’amours tous jours me dist : « Rente
« Je te tienc mon prisonnier,
« Tu ne me poes eslongier ;
« Je t’ai mis en mon dangier,
« À moi te faut obligier.
« Bien te puis nuire et aidier. »
Là me fault pourpos changier
Sanc muer et fretillier
Trambler, frémir et songnier,
Comment me puisse alegier
Et couvrir mon destourbier.
De tels assauts maint millier
Ai-je nuit et jour de rente.


Il ne fut pas toujours malheureux, à en juger par ce lay et cette ballade.


Douls amie, ta revenue
M’esvertue.
...................
...................
Onques Genèvre, Yseut, Helainne,
Ne Lucresse, qui fu Romainne,
Ne de Vregi la chastelaine,
N’ama cascune tant le sien
Que je fai toi.


Le virelay suivant indique la facilité habituelle de son caractère.


Prendés le blanc, prendés le noir,
Prendés selonc vostre estanoir,
Prendés toutes coulours aussi ;
Mès je vous di
Que dou dimence au samedi
Vous faudrés bien à vo voloir.

Pour moi le di certainnement,
Car j’ai pensé en mon jouvent
Si hautement,
Et en voeil faire amendement
Très grandement.
Peu de chose est de fol espoir
Et s’est assés, au dire voir,
Car le cowart il fait hardi,
Et le joli,
Selon les mours qui sont en li,
Il li fit ordenance avoir.

Prendés le blanc, etc.

Or vodrai vivre liement
En joie et en esbatement,
Veci comment :
Je passerai legièrement
Le temps avenir et présent
Pareillement.

Tout metterai en noncaloir,
Tels pleure au main qui rit au soir
Amours ont maint homme enrichi,
Et resjoy
Dou bien d’autrui, par leur merci.
Encontre eux n’a nuls pooir.

Prendés le blanc, etc.