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D’UNE PARTIE DU PREMIER LIVRE.

amis et non point de nos anemis. » Autre responce ne raportèrent les héraulx aux Englès. Quant le roy oy ce, si commanda que on les alast véir de plus près, et escarmucier à eulx, et que par aventure les poroit-on atraire aval. Ainsi le firent, et mirent devant, pour ce faire, cinq cens hommes d’armes, mille archiers d’un lez et autant d’aultre lez. Et fist là le roy plusieurs nouveaulx chevaliers : le seigneur de Willeby, le sire de Brantone, le josne seigneur de le Ware, monseigneur Édouwart le Despensier, fil au sire mort, le seigneur de Grescop qui là leva banière, monseigneur Gautier de Maugny et messire Guillaume de Montagu, qui estoient compaignons ensamble et moult appers chevaliers. Dont se partirent ces deux seigneurs et ces archiers, et aprocèrent les Escos moult vistement ; et le roy et son ost demourèrent là tous ordonnés. Quant les Escos virent les Englès venir, sachiés qu’ils ne furent pas esbahy ; mais se mirent en bonne ordonnance et leurs archiers devant. Le roy et les banières demourèrent en bataille. Les Englès venus commencèrent à traire aux Escos, et les Escos à eulx. Là eut grant escarmuce durement, et grans appertises d’armes, et moult aventureuses. S’avint ensi que, sur le plus fort assault qui y estoit, tout à ung fais, Englès firent retourner leurs pennons pour eulx faire cachier, et atraire jus les Escos, mais pour ce point ne se desroièrent Escos, mais se tinrent tous cois. Et quant les Englès virent qu’il ne les pooient atraire aval, si se retrairent vers leur grosse bataille, car là pooient plus perdre que waignier.

CHAPITRE LXXI.

Ainsi se tinrent tout le jour l’un contre l’autre ; et sur le vespre se retrairent Englès à leur logis ; et quant vint environ mie nuit, les Escos, qui sont beaux resvilleur de gens, envoièrent leurs nouveaux chevaliers devers l’ost des Englès. Mais bien leur besongna qu’ils fussent bien montés ; car les Englès, qui les atendoient et savoient leur venue, estoient si fort qu’il les mirent à cace ; et en y eut plusieurs prins, ainchois qu’il revinssent sur le mont à leur ost.

CHAPITRE LXXII.

Depuis ceste envaie n’y eut plus fait, car les Escos se partirent, et virent bien qu’il n’estoient point fort assez pour combatre le roy d’Engleterre et sa puissance. S’eut plus chier à perdre le cité de Bervich et le chastel de Rosebourch, que luy et sa compaignie qui estoit bonne et noble. Et au matin, quant ces Englès ne virent nul des Escos, le roy envoia veoir se c’estoit vray que les Escos s’estoient partis ; si trouvèrent qu’ils estoient partis voirement. Dont, quant le roy vit que les Escos et toute leur puissance s’estoient partis, il envoia devers le fort pour savoir quel chose il voloient dire ; et ils respondirent qu’il lui tenroient convent, puis qu’ils n’estoient secouru dedens le jour que convent avoient ; c’estoit qu’il partiroient sauve leurs corps et biens. Ainsi le firent, et rendirent le forteresse, et les clefs en livrèrent au roy, lequel les rechupt volentiers. Ce fu fait le septième jour de juillet l’an mil trois cent trente trois.

CHAPITRE LXXIII.

Mais avant que Rosebourch fust rendue, il y eut ung moult noble fait d’armes fait entre Alexandre de Ramesay, capitaine du chastel, et Willame de Montagu, Englès ; et le firent à cheval, si honnourablement que tous deux y acquirent honneur. Et sachiés que il dura moult longuement ; et y furent tous deux moult vilainement navrés ; et se fist à plain camp sans closure, en leurs harnas, autel qu’ils avoient en la guerre. Et en fu juge le roy d’Engleterre qu moult les honnoura au prendre sus.

CHAPITRE LXXIV.

Quant les Escos furent partis de le montaigne, comme dit est chi devant, ils chevaucèrent toute jour, car ils savoient bien que les Englès n’avoient talent d’eulx sieuwir ; et se logèrent sur une petite rivière que on nomme la Bethe ; et là se trairent ensamble les seigneurs à conseil, comment il se porroient le plus honnourablement maintenir. Là eux pluiseurs parolles dittes ; et ne sambloit point honnourable à pluiseurs de ainsi fuir devant les Englès. Et les plus sages disoient qu’il ne se véoient point puissant assez pour les Englès combatre, et que mieulx valoit ainsi partir que tout perdre. Si se porta le conseil de tous : que le roy s’en yroit à Dunbretan, ung très fort chastel sur le sauvage Escoce, et le josne messire